Nous avons assisté aux derniers préparatifs de l’entrée en service en début d’année 2022 du TER de Dakar qui transportera 115.000 personnes par jour. Sept ans de travaux pour désengorger une capitale aux incroyables embouteillages.

C’est l’histoire d’un train de banlieue qui répondait au joli nom de Petit train bleu. Créé en 1987, il desservait toute la périphérie ouest de Dakar, transportant jusqu’à 20.000 personnes par jour entre la capitale et Rufisque. Il roulait sur les anciennes voies métriques qui reliaient cette ville à Bamako, soit une double voie de 27 km où les trains étaient tractés par des locomotives diesel. Exploité par l’État sénégalais, le service a été totalement arrêté en 2020, la société du PTB se transformant en GTS – Grands Trains du Sénégal. Mais, pour résoudre les embouteillages apoplectiques de Dakar, l’Etat s’est résolu à lancer un appel d’offres pour rouvrir la voie ferrée qui s’est avérée être la seule solution pour désengorger l’actuelle autoroute A1.

En effet, Dakar est situé sur une presqu’île. Son agglomération, de plus de trois millions d’habitants, accueille chaque année environ 100.000 résidants supplémentaires. Les bouchons y sont incommensurables et imprévisibles. En 2014, l’État sénégalais a donc lancé les premières études et les travaux d’ouvrage et de voirie ont été réalisés pour construire une double voie d’un écartement de 1,435m, selon le standard de 60% des voies de chemin de fer dans le monde, tout en gardant un troisième rail d’un mètre d’écartement, pour permettre les circulations fret sur l’ancien réseau.

À certains endroits, l’État a dû procéder à des libéralisations d’emprise pour dégager le passage et permettre à ce train moderne et électrifié de rouler. Tout au long de son parcours, la voie a été protégée par des grillages et des murs afin d’éviter les incursions d’animaux et de personnes. À partir de 2017 la construction de la voie a commencé. Elle a été confiée au consortium franco-turco-sénégalais qui réunit Eiffage, Yapi Merkezi et la Compagnie sahélienne d’entreprises (CSE). La conception et la réalisation des systèmes ont été réalisées par Engie et Thales, dotant ce train d’une signalisation embarquée ERTMS2 que l’Europe commence tout juste à installer sur ses trains de banlieue. Les 15 rames Coradia Régiolis comportant quatre voitures ont été commandées à Alstom qui les a fabriquées à Reichshoffen en Alsace. Ces voitures ont ensuite été séparées les unes des autres pour être transportées par bateau puis par convoi exceptionnel, jusqu’au centre de maintenance de Colobane où elles ont été à nouveau assemblées par les équipes locales d’Alstom. «Il ne se sera écoulé que sept ans entre la décision politique et la mise en service, ce qui est exceptionnel pour une réalisation de cette envergure» explique Stéphane Volant le Président de la Seter insistant sur «la qualité du savoir faire francais en matière ferroviaire qui est reconnue mondialement,».

Les équipes de conducteurs, d’agents du service voyageurs, de mainteneurs – plus de 950 employés ont été recrutés et formées par la SETER – Société d’Exploitation du TER de Dakar – qui va assurer l’exploitation du TER. Filiale à 100% de la SNCF, la SETER devrait passer dans le giron de Kéolis courant 2022. « Nous avons eu des taux de réussite, supérieurs à ceux que l’on connaît en France, qui ont rendu possibles des transferts de savoir-faire plus rapide qu’initialement envisagés » se félicite Frédéric Bardenet, le DG de la SETER.

Ce train qui pourra faire des pointes à 160km/h aura un cadencement de 10 minutes en semaine, et de 15 à 20 minutes le week-end. Pour éviter d’être taxé de «train des riches» comme en 2010 avec le Gautrain en Afrique du Sud, le prix des billets d’un aller simple sera modulé en trois zones selon la distance et pour effectuer de bout en bout les 36 km de ce premier tronçon, il faudra débourser environ 2 euros. La deuxième phase du tronçon, qui doit relier Diamniadio au nouvel aéroport, devrait ouvrir fin 2023 / début 2024 avec 19 km supplémentaires de voies. Elle permettra de rejoindre le centre-ville en moins d’une heure. Ce trajet desservira 14 gares dont la superbe gare de Dakar, construite en 1914, et qui a été complètement désossée par Eiffage pour conserver son étonnante structure en métal qui ne supportait plus le poids du bâti, ainsi que la nouvelle gare aux allures très futuristes de Diamniadio… (Le Figaro)