Lancée le 1er janvier 2022, l’opération «Maliko» dans les zones infestées par le terrorisme islamiste donne des résultats tangibles sur le terrain
Dans une guerre, il ne faut jamais sous-estimer la capacité de l’ennemi. C’est ce principe qui trempe l’esprit et la stratégie des troupes de la 2è Région militaire du Mali, commandée par le colonel Didier Dembélé. En osmose avec ses hommes dans une ambiance bon enfant, il nous amène en immersion dans les préparatifs des opérations futures.
Nous sommes le vendredi 12 février 2022, sur l’espace d’entrainement du camp qui abrite le poste de commandement de la 22è Compagnie d’infanterie motorisée (CIM), 155 éléments sont en atelier de formation sur le secourisme, les différentes formes d’attaque de l’ennemi et la détection des engins explosifs improvisés.
L’instructeur du jour, le sous-lieutenant Gérard Armand Diarra, explique que l’objectif de cet exercice qui est nouveau dans la stratégie des FAMa, est la préparation opérationnelle avant le déploiement (POAD). La formation se déroule en collaboration avec les instructeurs de la Mission d’entraînement de l’Union européenne au Mali (EUTM).
Quelques heures plus tard, la nouvelle tombe. Les habitants de N’Golobabougou, un village d’environ 2.000 âmes, situé à 9 km de la ville de Dougabougou le bassin sucrier du Mali, appellent à l’aide. Depuis 3 mois, ils sont sous l’emprise des terroristes qui sévissent dans la zone. Le lendemain, ils doivent se rendre à la foire de Dougabougou pour se ravitailler en vivres. Mais ils ne peuvent pas s’y rendre, à cause des hommes armés qui occupent ou piègent la route latéritique d’une longueur de 9 km, qui relie le village à Dougabougou.
À 12h 35 minutes, le samedi, 13 février, un convoi d’une quinzaine de véhicules transportant une compagnie renforcée de 200 éléments lourdement armés, prend la direction du village martyr.
Leur mission est de «nettoyer» la voie et d’escorter les habitants, afin qu’ils puissent se rendre à la foire et retourner en toute sécurité. Après 1h 30 minutes pour parcourir les 71 kilomètres qui séparent la ville de Ségou de la localité, la troupe sous le commandement du lieutenant Fousseyni Traoré, entre à Dougabougou sous les applaudissements des populations en liesse, en scandant «Armée Mali, Armée Mali».
L’espoir se lisait sur tous les visages, hommes, femmes et enfants. À l’entame du tronçon Dougabougou-N’Golobabougou, le convoi ralentit sa progression. Les véhicules avancent à pas de tortue. Les fantassins marchent des deux côtés de la route. Chaque mètre carré est scruté, à la recherche d’engins explosifs improvisés (EEI). Car, c’est l’arme fatale des ennemis invisibles, explique le lieutenant Traoré. Soudain, des tirs nourris retentissent.
Des suspects ont été repérés. Mais ils réussissent à se fondre dans la nature. Sur le parcours, on constate les stigmates de cette guerre asymétrique imposée à nos forces armées. Des hameaux de culture sont déserts. Les occupants ont tout abandonné sur place pour sauver leur peau.
25 terroristes capturés- Après deux heures de route environ, nous arrivons finalement à destination. On retrouve une population désemparée. Tous les hommes du village portent des fusils artisanaux ou de chasse en bandoulière, pour leur autodéfense. Ce sont les chasseurs «donzos». Ils ont installé leur base dans la cour de l’école du village qui ne compte que six salles de classes. Les femmes et les enfants sont cachés dans les maisons pour se mettre à l’abri des feux des assaillants.
Bâ Kamité, le chef du village, prend la parole pour saluer l’arrivée des FAMa. «Vous nous avez sauvé la vie, que le bon Dieu vous en récompense», lance-t-il.
Il raconte le calvaire que vivent lui et ses administrés. Cela fait des semaines que je ne ferme pas les yeux, affirme le septuagénaire d’une voix tremblante, visiblement très affaibli. Chaque jour, ces villageois sont harcelés par les terroristes qui envoient quelques éléments leur tirer dessus pour leur faire peur et les empêcher de sortir du village. Des impacts de balles sont visibles sur les murs de l’école.
La stratégie consiste à nous affamer pour nous contraindre à les rallier, estime Kariba Koumaré, un chef de famille de N’Golobabougou. En fin de journée, une dizaine d’hommes du village est embarquée à bord des véhicules militaires en direction du marché de Dougabougou. Une fois sur place, des sacs de riz, mil, maïs et quelques denrées alimentaires qui étaient disposés sur place, sont transportés par le convoi. Il rebrousse chemin pour ramener les sinistrés et leurs vivres à bon port.
À 20 heures, la mission prend fin. Le lieutenant Traoré et ses hommes font route vers Ségou, en attendant de se retrouver sur d’autres théâtres d’opération. À l’instar de N’Golobougou, plusieurs localités situées sur la rive gauche du Niger, se trouvent dans la même situation. Mais avec l’opération «Maliko», l’espoir renaît peu à peu chez les populations. Ce qui fera dire au commandant du secteur 5, le colonel Didier Dembélé, que la montée en puissance des FAMa est aujourd’hui une réalité dans la région militaire, dont il a la responsabilité.
En mouvement constant, une autre compagnie renforcée cette fois, de plus de 2.000 hommes se rend le lundi, 14 février, dans la Commune rurale de Pogo, village situé à 22 km de Markala. Les renseignements recueillis par l’armée confirment la présence d’une base djihadiste dans la forêt de Bambougou, à 6 kilomètres de Niono.
Hier à l’aube, le capitaine Abdel Kader Issa Ouédraogo et ses hommes ont donné l’assaut sur la base logistique qui abritait une infirmerie de campagne. Le bilan de l’opération se chiffre à 25 terroristes capturés, une grande quantité de vivres et de matériels de guerre récupérée. La base a été complètement détruite, assure le chef de l’opération. Dans les jours à venir, toute la zone sera sécurisée et stabilisée, pour permettre aux populations de reprendre une vie normale, poursuit le capitaine Ouédraogo.
L’étape suivante concerne la libération définitive du village de Farabougou, dont la principale voie d’accès est bloquée par la présence d’engins explosifs improvisés. Cette opération est menée de concert avec les partenaires de la Mission multidimensionnelle des Nations unies pour la sécurisation et la stabilisation du Mali (Minusma) et de l’Union européenne.
Aujourd’hui, avec la grande restructuration de l’armée, l’équipement et la motivation des troupes, l’étau se resserre peu à peu autour des terroristes résiduels qui opèrent encore dans la zone. Le renforcement de l’effectif de la 2è Région militaire de 2 à 21 compagnies (3.255 hommes), permet d’espérer que dans les mois à venir, la zone retrouvera sa stabilité d’antan.
Envoyés spéciaux
Cheick Amadou DIA
Aliou SISSOKO