Le Festival International des Films de Femmes de Cotonou (FIFF) devait se dérouler du 14 au 18 septembre 2021, mais l’interdiction des manifestations culturelles et festives au Bénin depuis le 25 août 2021 a obligé les organisateurs de l’événement à le décaler. Grâce à la levée de cette interdiction le 16 décembre 2021, le FIFF a enfin pu se dérouler ! Entre le 8 et le 12 février 2022, les court-métrages de 13 réalisatrices se sont succédés ! Sous la direction de Cornélia Glèlè, le festival est porté par les femmes, avec des thématiques qui touchent les femmes.
La violence faite aux femmes : un fil rouge qui a suivi cette 2ème édition.
En 2019, la première édition du FIFF de Cotonou était lancée avec la thématique suivante : « Quand le cinéma aborde les violences faites aux femmes ». Cette année, le nouveau thème de l’édition était : « Regards du cinéma africain sur le pouvoir économique de la femme rurale ». Pourtant, c’est plutôt autour du sujet des violences que les treize courts-métrages ont porté en 2022. En effet, deux des grands sujets des court-métrages du FIFF 2021-2022 étaient la violence conjugale et la violence sexuelle. ConfidentiELLES, de Rotsy Koloina Andriamanantsoa, premier film de cette deuxième édition, est un documentaire construit sur une succession de témoignages de jeunes femmes ayant connu différentes difficultés : dénis de grossesses, endométriose, moqueries, racisme, et la manière dont parents et société agissent face à ces problèmes. La structure du film rappelle Mother, réalisé par Innotiencia Alladagbé, Amazone du Documentaire de la première édition, dans lequel des femmes se succèdent également sur un fond noir pour parler de leurs grossesses précoces, sujet très présent au Bénin.
De leurs côtés, Craque Madame, réalisé par Meriem Essoussi, Gone and never back, de Mai Mustafa Ekhou, et Breaking Groung, de Inès Girihirwe, abordent la violence conjugale à travers trois angles distincts. Craque Madame est un des films les plus intenses de la sélection. Alors qu’elle est divorcée, Senda est l’objet d’un harcèlement très fort de la part de son ex-mari, jusqu’à ce qu’elle reprenne le contrôle. Le film est puissant, tout d’abord parce qu’il est effrayant : les hommes sont toujours filmés en hors-champ, comme une pression malsaine dont on discerne mal la présence, avant d’être puissant par la narration, quand Senda se défend. La diffusion d’un sondage sur la violence quotidienne dans l’espace public donne davantage de force au court-métrage. De son côté, Gone and never back, aborde le sujet des violences conjugales dans un univers onirique, avec une très belle bande sonore qui entraîne le spectateur autant qu’il l’empêche de comprendre tout de suite ce qui se passe, et Breaking Groung met l’accent sur la sororité.
Le court-métrage Kuma! de Hawa Aliou N’Diaye, Amazone d’Or du FIFF 2021-2022 parle d’inceste avec un personnage féminin victorieux, aussi puissant que Craque Madame, quand Silence, de Mamanding Kote, parle des viols sur mineurs, de la peur, et du sentiment injuste de la honte portée par les victimes.
« Regards du cinéma africain sur le pouvoir économique de la femme rurale » : seuls deux films portent la thématique 2021-2022.
Finalement, seuls les films Deux soeurs, de Pascale Appora-Gnakindy, et Le Sel de Djegbadji, très bien réalisé par Christiana Juliette Amie de Souza, abordent réellement la question du pouvoir économique de la femme en espace rural. Le premier parle de deux sœurs qui étudient l’informatique. Mais avec des difficultés de réseaux, et sans connexion internet chez soi, la formation est laborieuse. La réalisatrice, Pascale Appora-Gnakindy, explique être elle-même formée en informatique. À l’époque, elle était surprise de voir le peu de femmes dans la discipline, ce qui poussa sa curiosité à savoir comment cela se passe aujourd’hui. Le Sel de Djegbadji, quant à lui, évoque la production de sel par les femmes à Djegbadji, un arrondissement de la commune de Ouidah. L’accent n’est pas portée sur les femmes qui le produisent (et le servent à table), mais bien sur le sel, de son extraction à son utilisation, en passant par sa vente. Il est dommage que la thématique de cette deuxième édition n’ait pas été davantage développée par les autres projections.
Les œuvres réalisées par des peintres, réalisatrices, sculptrices ou encore auteures, sont souvent mises en avant quand elles évoquent les problèmes et les violences que les femmes rencontrent. En même temps, qui de mieux pour parler de problématiques graves qui nous concernent ? Après autant de siècle sans que cette parole ne soit possible, il est bien sur primordial de la mettre en avant. Mais finalement, est-ce que ce ne sont pas aussi des sujets dans lesquels on enferme les productions des artistes féminines ? Pourtant, le nouveau thème de cette nouvelle édition s’annonçait intéressant, et pouvait permettre de dépasser ce carcan pour parler d’autres réalités et pour aborder d’autres questions.
Deux soeurs et Le Sel de Djegbadji font partis du petit corpus qui ne parlent pas des femmes en tant que femmes. Les deux autres courts-métrages pouvant faire parties de ce corpus sont Ethereality, réalisé par Kantarama Gahigiri, et Italè, une fiction de Zinhoué Fleur Gloria Hessou qui reçut l’Amazone Tella Kpomahou de la meilleure actrice, car ils touchent tous les deux à des questions plus globales. Italè évoque la responsabilité des adultes, père ou mère, dans le cadre familial, quand Ethereality, coup de cœur de cette édition, parle du fait de partir, de s’installer à l’étranger, de vivre ailleurs, avec de magnifiques images d’un cosmonaute, qui apportent une très belle esthétique au film.
En somme, les treize courts-métrages de la deuxième édition du FIFF ont présenté des univers visuels très variés, ce qui a fait la richesse des projections, malgré des sujets qui se sont répétés par rapport au thème de la première édition, en 2019. (acotonou.com)