Les manifestations qui ont conduit au renversement du président soudanais Omar el-Béchir, le 11 avril 2019, continuent de plus belle malgré une répression farouche de l’armée.Il y a trois ans jour pour jour, l’armée venait de décider du sort de l’indéboulonnable Omar el-Béchir. Pendant près de trente ans, l’ex-président a dirigé le Soudan d’une main de fer avant de perdre le pouvoir comme il l’avait pris. Quatre mois de manifestations contre la vie chère, en particulier le prix du pain, avaient eu raison de son régime. Malgré cette révolution, la rue ne s’est pas calmée pour autant et réclame à tout prix le retour des civils à la tête du pays. Depuis sa chute, Omar el-Béchir, 78 ans, est sous les verrous, à l’attente d’un incertain transfert devant la Cour pénale internationale (CPI). Accusé de génocide, crime de guerre et crime contre l’humanité au Darfour, le Premier ministre de transition Abdallah Hamdock s’était accordé pour matérialiser cette attente. Mais depuis le deuxième coup d’État des militaires, sous le commandement du général Abdel Fattah al-Burhane, en octobre dernier, beaucoup doutent de la sincérité des tenants du pouvoir à vouloir le livrer. Avec la libération d’une vingtaine de responsables de l’ancien régime la semaine dernière, dont son ancien ministre des Affaires étrangères, Ibrahim Ghandour, certaines sources affirment même que le pouvoir militaire est en train de réhabiliter el-Béchir, dont l’étau autour serait en train de se desserrer petit à petit. Il aurait été déplacé vers un hôpital spécialisé de Khartoum avec plusieurs hauts cadres de son ancien parti. Ainsi, une grande majorité de la population soudanaise regrette l’exploitation qui a été faite de sa révolution et le fait savoir dans la rue. Depuis octobre 2021, plus de 90 manifestants ont été tués par les forces de sécurité alors que des centaines sont toujours détenues en prison dont 25 leaders de l’opposition et de la société civile. Une économie effondrée Au plan politique, le Soudan n’a toujours pas de gouvernement aussi en raison de la difficulté pour les militaires de trouver de nouveaux partenaires après avoir chassé les civils. La formation d’un nouveau gouvernement de transition est une condition indispensable pour une reprise de l’aide internationale alors que le pays est sous le coup de sanctions économiques qui le placent au bord de l’effondrement. Si Washington a gelé 700 millions de dollars d’aide et la Banque mondiale l’intégralité de ses paiements au Soudan dans la foulée du putsch, pour l’ONG des droits humains Human Rights Watch (HRW), il faut « des mesures concrètes pour faire cesser la répression ». De son côté, la secrétaire d’État adjointe américaine, Molly Phee, a menacé en février dernier de « faire payer aux dirigeants militaires un coût plus lourd encore si la violence continue ». Aujourd’hui, la devise soudanaise est en chute libre, ayant perdu un quart de sa valeur depuis le coup d’État. L’inflation est officiellement à 260%. Selon le Programme alimentaire mondial (Pam), neuf millions de Soudanais sur une population de 44 millions souffrent de faim aigue. En revanche, Abdel Fattah al-Burhan évoquait pour la première fois, en février passé, les conditions pour le retour des civils au pouvoir. Au même moment, les Comités de résistance annonçaient un maintien de la mobilisation populaire pour le faire plier. « S’ils sont d’accord et s’assoient avec nous, nous sommes prêts à les rejoindre et à dialoguer avec eux. Ils peuvent même décider de nous couper le cou et nous serions prêts à cela. Ce qui compte pour nous, c’est l’accord de tous les Soudanais, après quoi nous leur transférerons le +pouvoir confié+ par le biais d’élections ou d’un accord national », avait déclaré le général putschiste de 62 ans au site d’information Sudan Tribune.

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