Le gouvernement burkinabé de transition a autorisé le dialogue avec des membres de groupes armés. La démarche, annoncée officiellement début avril par le président de la transition,le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, est entrée dans une phase concrète.
Mardi (19.04.2022), le ministre de la Réconciliation Yéro Boly, a cependant évité de parler de dialogue avec des terroristes. Une précaution qui rend l’approche burkinabè particulière
Dialogue avec des « compatriotes »
Le ministre burkinabé de la Réconciliation, Yéro Boly, est en effet formel : il n’est pas question de dialoguer avec des chefs terroristes étrangers.
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Le dialogue qu’il annonce consisterait, selon lui, à répondre à la demande de jeunes Burkinabè enrôlés dans des groupes armés.
« Ce sont de jeunes compatriotes, détenant des armes et évoluant au sein des groupes armés contre leur propre village. Ce sont eux qui ont manifesté le désir de parler à leurs chefs coutumiers, religieux et à leurs notabilités », a insisté le ministre face à la presse à Ouagadougou.
Une délimitation encore floue
Pourtant, un expert qui maîtrise bien la situation souligne la difficulté de faire la différence entre djihadistes, criminels de grand chemin et simples citoyens mécontents de la gouvernance de leur pays.
Toujours est-il que la perspective d’un retour au sein des communautés de combattants ayant participé à des opérations armées suscite une certaine peur chez les populations. « Ah oui nous avons peur ! », confie à la DW, Ali Bocoum, coordonnateur régional des jeunes du Sahel, une région du nord du Burkina Faso.
« Il y avait eu des dialogues informels qui avaient été entamés par les communautés locales. Et ces dialogues ont porté leurs fruits jusqu’à ce que ce qu’on leur avait remis se termine, ou ce qu’on leur avait promis ne tienne pas et ces personnes ont repris les armes ! », rappelle-t-il.
Le gouvernement qui a précédé le coup d’Etat avait initié une démarche similaire qui était placée sous la responsabilité de l’ex-ministre de la Réconciliation, Zéphirin Diabré qui soutient « que la solution à la crise du terrorisme n’est pas que militaire et qu’elle est aussi économique, sociale et donc liée au développement ».
L’ex-ministre Zéphirin Diabré est convaincu comme bien d’autres personnes, que la question de l’emploi des jeunes et du développement est aussi centrale.
Satisfaire aux demandes de justice économique
« Là où il y a des mines, c’est vrai qu’on a entendu des récriminations de la part de populations qui souhaitaient voir davantage de retombées et qui demandaient que les emplois locaux soient beaucoup plus nombreux. S’il est possible de les satisfaire, je crois que ce serait une bonne chose », suggère l’ex-ministre burkinabé de la Réconciliation.
S’ils déposent les armes, les autorités militaires de la transition envisagent d’accompagner les ex-combattants dans des activités liées à l’agriculture ou l’élevage.
Le coordonnateur des jeunes de la région du Sahel, Ali Bocoum, met en garde contre une injustice si les autorités ne pensent pas également aux jeunes sans emplois qui, eux, n’ont pas rejoint les groupes armés.
« A côté de ces jeunes égarés, il y en a d’autres qui ne se sont jamais égarés qui ont travaillé pour ce pays et n’ont jamais cessé d’exprimer leur amour pour ce pays. Donc quel sera également l’avenir qui sera proposé à ces jeunes ? Il faudrait que le gouvernement évite une autre injustice sociale », plaide-t-il encore.
Malgré le coup d’Etat militaire contre l’ex-président Roch Marc Christian Kaboré, accusé d’être inefficace face aux violences qui endeuillent le Burkina Faso, le pays continue de subir les attaques de groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’Etat islamique. (dw.com)