Après la condamnation de Blaise Compaoré à la perpétuité, son frère François sera-t-il extradé pour que se tienne un nouveau procès historique à Ouagadougou ? Paris doit fournir, ce 3 mai, de nouveaux documents…

La justice burkinabè n’a pas attendu le retour de Blaise Compaoré pour condamner l’ancien président à la prison à perpétuité dans l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara, trente-cinq ans après les faits. Mais elle semble attendre le renvoi du frère au pays pour juger des faits qui lui sont reprochés. C’est que les affaires sont différentes, ainsi que les chances de voir l’un ou l’autre extradé.

Si le procès de l’ancien chef de l’État concernait l’assassinat de son prédécesseur, en 1987, la procédure judiciaire qui cerne son frère cadet traite des meurtres du journaliste burkinabè Norbert Zongo et de trois de ses compagnons, le 13 décembre 1998. Dans ce dossier comme dans le premier, circonstances et exécutants semblent connus, mais la justice devra ici établir le niveau de responsabilité. Le directeur de L’Indépendant enquêtait sur une affaire impliquant directement François Compaoré et la garde présidentielle ainsi que, indirectement, Blaise Compaoré…

Quant aux chances de voir aboutir l’extradition de l’un des deux frères, elles semblent nulles dans le cas de Blaise Compaoré, réfugié en Côte d’Ivoire, dont il a acquis la nationalité. En s’enfuyant en France, François a en revanche péché par excès de confiance – ou manque de jugeote. Une procédure d’expulsion progresse, même au train de sénateur qu’imposent les va-et-vient de recours français puis européens.

Peine de mort

Dès mars 2020, la France autorisait l’extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso, autorisation validée par la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’État, en juillet 2021. Mais, en août, la Cour européenne des droits de l’homme suspendait temporairement ladite extradition, dans l’attente de garanties démentant un « risque imminent de dommage irréparable », si les autorités burkinabè venaient à prendre en charge François Compaoré. Ce sera fait, Paris et Ouagadougou mettant notamment en avant l’abolition de la peine de mort, après la chute des Compaoré…

Puis les interlocuteurs burkinabè changèrent, ce fameux 23 janvier 2022 où des militaires renversèrent le président Roch Marc Christian Kaboré. Et la Cour européenne des droits de l’homme de demander aux autorités françaises de produire à nouveau des garanties. Un document est fourni par Paris dès le 30 janvier, mais les avocats de Compaoré le jugent insuffisant, le 17 mars. Et la Cour européenne de préciser, le 21, à l’État français, que les garanties devraient être fournies « par une autorité habilitée à engager l’État burkinabè ». La France négocie alors un délai et relance des putschistes burkinabè jusque-là peu prolixes…

C’est ce mardi 3 mai que les autorités françaises entendent présenter, sous la forme d’un « deuxième mémoire en réplique », les garanties actualisées de nature à permettre l’extradition du frère de l’ancien chef de l’État burkinabè. Si cette étape s’achèvera symboliquement lors de la Journée mondiale de la liberté de la presse, les observateurs ont conscience que la procédure d’extradition de François Compaoré est loin d’être terminée. Le coup d’État mené par le lieutenant-colonel Damiba avait déjà failli compromettre la conclusion du « procès Sankara », des juristes estimant qu’un putsch de 2022 étrangement « constitutionnalisé » invalidait des poursuites contre une atteinte à la sûreté de l’État datant de 1987… (JA)