Le pasteur camerounais Sinclair Gabriel Tchegyeu et son épouse Mbi Tchegyeu Nicole Abor sont un couple mixte francophone-anglophone. Ils sont une représentation de l’unité nationale dont le pays commémore le 50ème anniversaire ce 20 mai 2022.

Pour autant, cette unité consacrée par le passage de la République fédérale à la République unie du Cameroun le 20 mai 1972, et proclamée entre les parties francophones et anglophones, est aujourd’hui en crise.

Se concentrer sur ce qui unit

Le pasteur Sinclair pense que les Camerounais s’opposent sur ce qui les divise plutôt que de s’enrichir sur ce qui les unit :

« Si on avait cessé de se focaliser sur les difficultés pour plutôt faire un effort pour aller vers les opportunités, on n’en serait pas là. C’est ça le problème. Donc, qu’on essaye de ne pas voir le verre à moitié vide, mais à moitié plein. Qu’est-ce que je veux dire par là ? Je veux dire qu’il y a une grosse opportunité dans la minorité. »

C’est cette opportunité qui a poussé le père francophone à laisser ses enfants se mouler dans la culture anglophone de leur mère.

Le pasteur Sinclair et son épouse Nicole pensent que la guerre entre Camerounais, à cause d’une langue et d’une culture différentes, n’aurait jamais dû avoir lieu :

« Comme mon mari l’a si bien dit, je pense que nous devons choisir nos combats dans la vie. Toutes les batailles ne sont pas nécessaires. Nous devons toujours regarder les avantages et les inconvénients de toute action que nous voulons poser. Et nous devrions regarder cela en relation avec le futur. »

Les familles mixtes, modèles d’unité réussie

En conséquence, ce couple qui a plusieurs enfants et entretient une double culture au sein de sa famille, saisit l’occasion de la fête nationale pour se présenter comme un modèle d’union réussie.

« Il y a eu des cadres où tout le monde savait que j’étais francophone. Et ils disaient que j’étais de bonne foi parce que j’ai intégré la culture anglophone. Je parle l’anglais sans accent. Et vice-versa, elle aussi est très acceptée dans le milieu francophone. »

Malgré ce modèle d’intégration qui existe dans de nombreuses familles camerounaises, le pays fait face à un mouvement séparatiste en zone anglophone. Cela entache la fête de l’unité nationale. Et Nicole exprime sa déception :

« Nous ne la célébrons pas comme nous devrions. Je constate que c’est le Cameroun qui est bilingue, et non les Camerounais qui sont bilingues. Et si nous, en tant que nation, nous pouvions nous considérer comme une seule personne et faire que tous les Camerounais soient bilingues, nous fêterions mieux. Dans notre petit coin, nous sommes juste contents que Dieu nous ait mis ensemble et que nous soyons bien. »

Le fédéralisme comme solution ?

Selon le professeur Olivier Bile, le retour au multipartisme depuis les années 90 a fait réémerger les désirs d’affirmation identitaire. Et aujourd’hui, souligne cet universitaire, le Cameroun est à la croisée des chemins où, au fond, l’unité nationale est mise en péril :

« Chacun veut exister par son identité ethnique et même son identité linguistique, comme ce que l’on peut observer avec le désir d’affirmation de l’identité des régions du NoSo. Cette crise-là étant elle-même consubstantielle du fait que les anglophones du Cameroun ont voulu que leur identité culturelle anglo-saxonne soit reconnue, conformément à ce qui avait été arrêté lors des accords de Foumban en 1961. »

Pour Olivier Bile, l’unité du Cameroun peut se construire dans une approche fédéraliste. Il cite des pays comme le Nigeria voisin, les Etats-Unis d’Amérique et l’Allemagne, qui sont des Etats forts et unis, avec un système fédéral.

Les frontières maritimes, terrestres et aériennes du Cameroun sont fermées depuis minuit ce vendredi 20 mai 2022. Des défilés militaires et civils sont organisés dans les dix régions du pays, dont la grande parade sur le Boulevard du 20 mai à Yaoundé à partir de 12 heures, en présence du président Paul Biya rentré d’un séjour en Europe. (dw.com)