A-t-on coutume de dire que le mensonge a beau courir, il finira toujours par être rattrapé par la vérité ! Pour notre part, nous dirions que les apparences restent les apparences, seule la réalité tangible imposera sa dure loi sur le cours des événements. Aujourd’hui, après une année de son investiture présidentielle, Mohamed Bazoum ne semble pas encore avoir trouvé ses marques, s’il les avait jamais réellement recherchées, écartelé entre son engagement de mener la haute mission dont il a été investi et sa dette morale envers son mentor politique, Issoufou Mahamadou, auquel il doit beaucoup pour son élection à la magistrature suprême du Niger. De son aveu même, il confessait n’avoir jamais rêvé, un seul jour de sa vie, de conquérir la présidence de la république pour un tas de raisons que tout le monde semblait savoir, à commencer dans sa famille politique, le PNDS-Tarayya, où il était loin de faire l’unanimité au sein du bureau politique du parti.
Au fond de lui-même, il était pleinement conscient de ses limites subjectives et objectives dans la conquête du graal suprême, et ne se faisait, d’ailleurs, d’illusions à ce sujet. Mais, la Providence, maîtresse absolue de la destinée humaine, a fait son oeuvre, écrasant ainsi toutes les pesanteurs humaines pour forger une destinée présidentielle à Mohamed Bazoum. Quant au héros de cette tragi-comédie nigérienne, curieusement, ce n’est pas l’enfant de Tesker lui-même, mais bien celui de Dandadji, à quelques 500 kilomètres de là, Issoufou Mahamadou. En effet, contre vents et marées, contraint par la Constitution de quitter le pouvoir après deux (2) mandats, Issoufou Mahamadou, se rendra l’unique artisan du destin présidentiel de Bazoum, en lui balisant tout le terrain allant de l’investiture du parti rose, en passant par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) avec un fichier électoral biaisé, pour finir à la Cour Constitutionnelle pour, dans un premier temps, la validation de la candidature du poulain d’Issoufou, ensuite, dans un second acte, pour la proclamation définitive des résultats de la parodie électorale du 21 février 2021.
Comme, on le voit, ce n’était nullement dans le souci de consacrer, pour la première fois de l’Histoire, une alternance démocratique au pouvoir au Niger que le président sortant, Issoufou Mahamadou, avait oeuvré, mais bien manoeuvré afin d’assurer ses arrières politiques après sa gestion politique désastreuse durant une décennie. En dépit de ses professions de foi par le passé, notamment son pompeux slogan de ‘’la force des arguments et non l’argument de la force’’, Issoufou Mahamadou était loin d’être cet homme politique pondéré, exemplaire en termes de probité morale, de démocrate sincère et de dirigeant désintéressé des clinquants de la mondanité, et qui s’était révélé à la pratique du pouvoir comme un chef de clan, exactement comme dans la Camorra sicilienne ou napolitaine.
Une fois au pouvoir, il avait renié toutes les valeurs et tous les principaux auxquels il prétendait se référer, lorsqu’il quémandait les suffrages du peuple nigérien, en se drapant de vertus d’homme juste, droit, intègre, patriote et surtout républicain. Sous les lambris de la république, il but le calice de l’imposture politique suprême jusqu’à la lie, en inaugurant une gouvernance politique profondément désastreuse pour le pays avec des niveaux de corruption, de détournements de deniers publics et de dénis de justice jamais atteints auparavant. En dépit de l’immense concours financier de la communauté internationale durant les deux (2) quinquennats de son règne, souvent au prix d’endettement public inconsidéré, le régime de la renaissance du Niger n’aura été que celui de ses obsèques, car, aucun des grands projets structurants de développement (Barrage de Kandadji, chemin de fer, routes nationales, modernisation de l’agriculture, défense et sécurité) n’avait été mené à sa réalisation concrète.
La plupart de cette importante manne financière avaient l’objet d’une captation prédatrice par la grande mafia d’Etat installée entre les centres décisionnels du pouvoir et certains milieux d’affaires proches du régime. La conséquence majeure et directe, c’est que d’individus se sont bâti de fortunes colossales sur le dos de l’Etat au moyen du système de rapines instauré par la gouvernance rose, pendant que les finances publiques se trouvent dans une situation catastrophique qui s’accompagne d’une paupérisation rampante des couches sociales moyennes et pauvres. C’est au regard de tout ce sombre tableau qu’Issoufou Mahamadou ne pouvait assurer une véritable alternance politique qui eût semblé risqué pour lui et sa suite pour la succession qu’ils auraient laissée en cas de victoire du clan de l’opposition. C’est pour cette seule et unique raison qu’Issoufou Mahamadou s’était échiné à porter Bazoum au pouvoir, une candidature fragile dont il serait le garant attitré dans une sorte de régence républicaine, le seul gage pour lui de s’assurer un avenir tranquille après le pouvoir.
Aujourd’hui, Mohamed Bazoum payerait chèrement cette dette contractée auprès de son ancien mentor politique, car, sa marge de manoeuvre politique s’encadrerait dans le périmètre circonscrit des volontés de l’ex-président, qui reste toujours trop influent sur l’appareil du parti rose ainsi que sur les instances décisionnelles du pouvoir. De toutes parts, Bazoum serait environné de la grosse machine administrative et politique héritée du régime sortant et l’empêcherait de décider à sa guise. Parfois, il lui arriverait de manifester quelques velléités d’indépendance, comme celle, par exemple, de faire venir au gouvernement un certain Ibrahim Yacoubou de Kinshi kassa. Et la cerise sur le gâteau, le fait d’arracher des attributions du fiston Abba pour les remettre au président de Kinshi Kassa, celui-là même qui ne cessait de pourfendre la gestion politique d’Issoufou Mahamadou ! D’après certaines indiscrétions, l’Ex aurait mal digéré cette décision de Bazoum et préparerait, à cet effet, le plat de la vengeance.
Du côté des alliés, Mohamed Bazoum ne trouverait guère de satisfaction, l’absence d’un pouvoir solide et unifié dans sa source y étant sans doute pour beaucoup. Chacun de ces ministres alliés s’occuperait plus de ses propres intérêts et ceux de sa formation politique d’abord, avant ceux du Niger. En effet, ils savent tous que cette coalition politique, faite de bric-à-brac, ne serait fondée sur aucune nécessité de construire le Niger, mais bien sur la seule idée de partager le gâteau entre alliés électoraux ! Mieux, certains de ces alliés se projetteraient même dans d’agendas politiques futurs, soit à moyen terme, soit à longue échéance pour 2026.
Il en serait ainsi du récent rapprochement entre le MPR Jamhuriya d’Abouba Albadé et le MPN Kinshi Kassa d’Ibrahima Yacoubou, qui, pour selon certains analystes, est un prélude pour une alliance politique pour 2026.
Voilà, de façon succincte, les raisons de la solitude de Bazoum au pouvoir, qui s’y ennuie profondément faute de liberté de manoeuvrer à sa guise, et pour se défouler, de temps à autres, la Journée de la Femme du 13 mai, ou à l’occasion de l’inauguration des chrysanthèmes, il pourrait se transformer en Maître de Cérémonie (MC) pour tenir en haleine son auditoire avec des formules à l’emporte-pièce dont seul le ‘’bazoumisme’’ semble avoir le secret ! C’est-à-dire le verbiage creux et les formules et tournures de style grandiloquentes propres aux salons littéraires et philosophiques !
Avant tout, ne serait-il pas plus excellent dans la rhétorique sophistique propre à la philosophie dont il est le produit intellectuel que dans l’art de gouverner qui serait d’une autre essence ? « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde ; il s’agit maintenant de le transformer », écrivait Karl Max dans ‘’Thèse sur Feuerbach’’ ! Mohamed Bazoum devra-t-il se sentir visé par cette critique marxiste ? Sans doute oui. (aniamey.com)