Lancé le 31 mai dernier, le dialogue politique national au Sénégal a pris officiellement fin avec la remise des rapports des huit commissions au chef de l’Etat, Macky Sall, qui s’est félicité du caractère inclusif et sans tabou des travaux. Même si ce dialogue a aussi porté sur les grands dossiers de développement économique et social, c’est surtout les conclusions sur les questions politiques qu’attendait le plus le peuple sénégalais. L’on note, dans ce domaine précis, des propositions relatives à la baisse du nombre de signatures nécessaires pour le parrainage de la candidature à la présidentielle, passant de 1% des inscrits sur le fichier électoral à désormais un nombre compris entre 0,6 % et 0,8% et la modification du Code électoral qui ouvre à l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall et Karim Wade, le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, la possibilité de participer à la prochaine présidentielle. Ces deux candidats, l’on s’en souvient, avaient été recalés à la présidentielle de 2019 à cause de leur condamnation par la Justice. La question que l’on peut se poser, est de savoir si ces propositions suffiront à calmer la météo politique au pays de la Teranga.

Le président Macky Sall a opté de prolonger l’angoisse des Sénégalais

Il est difficile d’y répondre avec certitude. D’autant que des formations politiques de l’opposition dont le PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) d’Ousmane Sonko, dont la condamnation par la Justice dans l’affaire de viol qui l’opposait à Adji Sarr sur fond de veilléités de Macky Sall de briguer un 3e mandat, avait été à l’origine d’émeutes meurtrières à Dakar et dans d’autres villes du pays, ne décolèrent toujours pas. C’est dire donc que les militants et sympathisants de ces formations politiques pourraient ne pas se sentir concernés par les conclusions de ce dialogue politique national. Et cette probabilité est d’autant plus forte que la problématique du 3ème mandat du président Macky Sall, ne figure pas dans les points d’accords de la commission politique. L’on peut donc dire que même si l’on note des avancées sur les questions politiques au Sénégal, les populations restent largement sur leur faim quant à l’interrogation majeure du moment : ira, ira pas ? Et malheureusement, sur cette question dichotomique, le président Macky Sall a opté de prolonger l’angoisse des Sénégalais en décidant de ne se prononcer qu’après la Tabaski. En effet, interrogé sur la question, le chef de l’Etat a eu la réponse suivante : « Je vais répondre parce que le moment est venu pour le faire mais ce n’est pas aujourd’hui. Je ferai un discours à la Nation, j’apporterai ma réponse qui ne peut pas dépendre du contexte dans lequel nous évoluons. Certains écrivent par-ci, des rapports sont produits par-là ; ce n’est pas cela qui va déterminer le choix du président de la République. Ce sera un choix libre, souverain, qui s’exercera et qui sera expliqué au pays, quel qu’il soit et sera assumé ».

Macky Sall met à profit la Tabaski pour des manœuvres souterraines

C’est dire donc que Macky Sall continue d’entretenir le mystère sur sa prochaine candidature ou pas, à l’élection présidentielle. Et l’on imagine que cette position plus qu’ambiguë, déteindra sur la saveur du mouton de l’Aid-el Kébir au Sénégal, tant l’anxiété étreint encore les gorges des Sénégalais. En tout cas, il n’en fallait pas plus pour convaincre les contempteurs de Macky Sall qui estiment que ce dernier a déjà échafaudé son scenario pour s’engager sur le boulevard du 3e mandat. Ils fondent leur analyse sur des indices qu’ils jugent infaillibles. En effet, à en croire ces analystes, le dialogue politique national a permis à Macky Sall de se tailler les opposants à sa mesure, notamment Khalifa Sall et Karim Wade qu’il pourrait battre à plate couture dans la mesure où ces derniers ont été tenus loin de la scène politique et sont éclaboussés par des scandales financiers. En fixant son adresse à la Nation au lendemain de la Tabaski, le président, pour autant qu’il nourrisse un dessein funeste pour la démocratie sénégalaise, a voulu juste éviter de gâcher la fête, bien conscient que son annonce fera emballer à nouveau la rue au Sénégal. Ces mêmes analystes pensent que Macky Sall met à profit la Tabaski pour des manœuvres souterraines. Mais ces allégations ne sont, pour l’instant, que de la fiction et Macky Sall pourrait agréablement surprendre les Sénégalais en se rangeant du bon côté de l’histoire, dans la même lignée que les pères fondateurs du Sénégal. Et il a d’ailleurs toutes les raisons de le faire puisqu’il serait parvenu à ses fins, c’est-à-dire « le tout sauf Sonko ». Cela dit, une chose semble certaine, toute attitude contraire ferait basculer le Sénégal dans de nouvelles violences et pire, dans la sphère des dictatures africaines. Ce serait alors la fin d’une exception démocratique en Afrique de l’Ouest, avec toutes les conséquences qui vont avec. Mais gageons que l’homme ne franchira pas la ligne rouge mais qu’il s’engagera sur la route qui le fera sortir, la tête plus que haute, par la grande porte de l’histoire. Dans tous les cas, même s’il ne le fait pas, le peuple sénégalais est un peuple politiquement mature et il l’a montré à diverses occasions par les urnes, ramenant à leurs justes dimensions les aventuriers qui se croyaient tout droit sortis de la cuisse de Jupiter.

« Le Pays »