Macky Sall ne briguera pas un 3e mandat. Après de longs mois passés à entretenir un flou artistique sur la question, il l’a en effet déclaré dans la soirée du lundi 3 juillet 2023.

Pourquoi fallait-il d’ailleurs que le premier magistrat sénégalais soit obligé de proclamer du haut de sa chaire à huit mois des élections du 25 février 2024, qu’il ne sera pas candidat à sa propre succession, comme si on était dans une vulgaire république bananière ?

Si on en est arrivé là, c’est parce qu’il y avait eu différentes interprétations de la Constitution, comme c’est fréquemment le cas dans de nombreux pays africains où les révisions constitutionnelles souvent construites ad hominem, n’ont pour seul but que de permettre au prince de régner ad vitam aeternam, en remettant leur compteur à zéro, comme ce fut déjà le cas sous Blaise Compaoré, Alpha Condé, Paul Kagamé et bien d’autres présidents-fondateurs, qui ont fini par pousser des racines sur le fauteuil présidentiel. Autrement, en bonne république, lorsque la règle de trois est claire, pas besoin que le chef de l’Etat fasse une profession de foi. Ce n’est pas en France, en Norvège, aux Etats-Unis, où même plus près de nous au Nigeria ou au Ghana qu’un tel problème se poserait.

Il faut espérer au moins qu’au Pays de la Teranga le débat est définitivement tranché avec ce qu’on pourrait appeler la jurisprudence Sall, qui pour ses partisans entrera dans l’histoire du Sénégal et sortira par la grande porte.

Grande, pas vraiment, car le fait même qu’il ait caressé ce secret espoir restera quand même une tache noire sur son costume présidentiel. A-t-il d’ailleurs vraiment pris cette « décision longuement mûrie, réfléchie » par conviction républicaine, ou a-t-il été contraint et forcé de renoncer aux intentions qu’on lui prêtait, suite aux multiples pressions internes et externes, et surtout à la bronca de la rue qui n’a cessé de gronder depuis de longs mois, avec à chaque manifestation son lot de cadavres et de dégâts matériels ?

Des dommages dont on aurait pu faire l’économie, même s’il n’est pas seul comptable desdits dommages, pour lesquels son opposant Ousmane Sonko a aussi une grande part de responsabilité. La question se pose alors de savoir quelle sera la nouvelle stratégie du leader du PASTEF, dans la mesure où la lutte contre le 3e mandat de Macky Sall était une de ses revendications matricielles ?

En vérité, quand bien même Macky Sall s’est auto-disqualifié, il y a peu de chance que le prochain président du Sénégal soit celui qui traîne deux casseroles judiciaires en ce moment, l’une aussi bruyante que l’autre. La première concernant le procès en diffamation sur le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, et dans lequel il est condamné à six mois de prison avec sursis. La seconde étant l’histoire depuis 2021 des viols présumés et de menaces de mort contre la masseuse Adji Sarr, où il a été condamné lors du verdict le 1er juin dernier du procès Sweet Beauty, à deux ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse.

Deux décisions de justice qui le disqualifient à la prochaine présidentielle. Et Macky Sall a été clair dans son adresse vespérale : « J’assumerai avec responsabilité et fermeté toutes les charges qui incombent à ma fonction. En vertu du mandat que vous m’avez confié et en étroite cohérence avec mon serment constitutionnel, je continuerai à consacrer toutes mes forces à défendre, sans failles, les institutions constitutionnelles de la république, le respect des décisions de justice, l’intégrité du territoire, la protection des personnes et des biens (…) ».

Et là, ça ne devrait pas souffrir de débat. C’est, en effet, son droit constitutionnel, voire même une obligation en tant que garant de l’institution judiciaire.

A bon condamné…salut !

D. Evariste Ouédraogo