Le chanteur américain Sixto Rodriguez, longtemps oublié avant que le documentaire oscarisé « Searching For Sugar Man » ne le ramène dans la lumière, est décédé mardi à 81 ans, selon un communiqué publié sur son site officiel.

« C’est avec beaucoup de tristesse que nous, à Sugarman.org, devons annoncer que Sixto Diaz Rodriguez est décédé plus tôt aujourd’hui », indique le communiqué. La cause de son décès n’a pas été précisée mais l’artiste avait eu des problèmes de santé ces dernières années.

Dans les années 1970, Sixto Rodriguez sort deux albums dans l’indifférence générale aux Etats-Unis mais il devient sans le savoir une idole en Afrique du Sud, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Une copie de l’un de ses disques atterrit en Afrique du Sud par hasard et sa musique aux accents libertairescontre la guerre du Vietnam, les inégalités raciales, la maltraitance des femmes et les mœurs sociales devient l’hymne de la jeunesse blanche progressiste exaspérée par l’apartheid

Au fur et à mesure que sa popularité en Afrique du Sud augmentait, Rodriguez vivait à Detroit. Mais ses fans en Afrique du Sud pensaient qu’il était également célèbre aux États-Unis. Ils ont entendu des histoires selon lesquelles le musicien était mort de façon dramatique : il s’était tiré une balle dans la tête sur scène à Moscou ; il s’était immolé par le feu et brûlé vif devant un public ailleurs ; il était mort d’une overdose de drogue, était dans un établissement psychiatrique, a été incarcéré pour le meurtre de sa petite amie.

Jusqu’à ce que deux fans, en cherchant à élucider le mystère de sa mort. En 1996, Segerman et le journaliste Carl Bartholomew-Strydom ont entrepris de découvrir la vérité. Leurs efforts les ont conduits à Detroit, où ils ont trouvé Rodriguez travaillant sur des chantiers de construction. « Je lui avais dit : En Afrique du Sud, tu es plus célèbre qu’Elvis », se souvient l’un d’eux, Stephen Segerman, dans une interview au journal Detroit News.

Rock and roll

« C’est l’histoire du rock and roll maintenant », devait déclarer Sixto Rodriguez à l’Associated Press il y a dix ans. « Je sentais que j’étais prêt pour le monde, mais le monde n’était pas prêt pour moi. Je pense que nous avons tous une mission – nous avons des devoirs. »

Konny Rodriguez a déclaré que le couple s’était rencontré en 1972 alors qu’ils étaient tous deux étudiants à la Wayne State University de Detroit et mariés au début des années 1980. Bien qu’ils étaient toujours marié au moment de sa mort, le couple était séparé depuis plusieurs années.

« Il adorait l’université. Il est né pour être enseigné, pour s’enseigner lui-même », a déclaré Konny Rodriguez. « La musique était plus pour rassembler les gens. Il jouerait n’importe où, n’importe quand. C’est là que je l’ai remarqué. Il descendait Cass Avenue avec une guitare et un sac noir. C’était un gars vraiment excentrique. »

Les deux albums de 1969 et 1971 « n’ont pas bien marché ». « Je suis sûr que c’était encore dans sa tête », a ajouté Konny Rodriguez. « Puis en 1979, j’ai décroché le téléphone et c’est un gars avec un accent australien qui a dit ‘il faut qu’il vienne en Australie parce qu’il est très célèbre ici’. »

Searching For Sugar Man

C’est bien après ces tournées en Australie en 1979 et 1981 qu’ils avaient appris l’impact de sa musique en Afrique du Sud.« L’apartheid était en cours », a-t-elle déclaré. _ »Frank Sinatra avait une annonce pleine page : ‘N’allez pas en Afrique du Sud.’ Donc nous ne l’avons pas fait. »_Ce n’est qu’après la fin de l’apartheid qu’il s’est finalement rendu en Afrique du Sud

Le destin romanesque de Sixto Rodriguez, né dans une famille d’immigrés mexicains de Detroit le 10 juillet 1942, fait l’objet du documentaire « Searching For Sugar Man », réalisé par le Suédois Malik Bendjelloul et récompensé aux Oscars en 2013.

Le succès du film offre une célébrité tardive à ce guitariste qui avait, après l’échec de ses albums, abandonné la musique pour se reconvertir dans les chantiers et la construction. Il donne aussi une nouvelle visibilité à ses titres folk, parmi lesquels l’emblématique « Sugar Man » ou « I Wonder ».

Droits d’auteur

Dans le film, Rodriguez semble détaché, plutôt amusé par cette reconnaissance. Mais sa situation économique précaire est aussi évidente : il n’a jamais touché un centime de ses centaines de milliers d’albums vendus en Afrique du Sud. Certaines de ses avaient été interdites par le régime de l’apartheid, d’où les nombreuses copies contrefaites de cassettes et plus tard sur des CD.

Après la sortie du documentaire, il donne plusieurs concerts en Europe et aux Etats-Unis. Il est même invité à se produire lors des célèbres festivals de Coachella, en Californie, et Glastonbury, au Royaume-Uni.

En 2008, le chanteur évoquait auprès du Detroit News la « formidable odyssée » qu’a été sa vie, disant s’être « toujours, pendant toutes ces années, considéré comme un musicien ».

Sixto Rodriguez, héros malgré lui de l’anti-apartheid en Afrique du Sud (msn.com)