Au Niger, les motivations du coup d’Etat militaire qui a renversé le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum restent imprécises. Réaction corporatiste de l’armée ou ingérence de la Russie ?

Le 6 août dernier, des partisans des putschistes du CNSP ont brandi des drapeaux russes lors d’un rassemblement de plus de 30.000 personnes au stade de Niamey. Mais ces gestes ne prouvent pas que la Russie ait exercé une quelconque influence dans ce coup d’Etat.

Bien que le Niger et la Russie entretiennent des liens traditionnels en matière de formation et fourniture d’équipements militaires, ces échanges restent toutefois peu importants.

« Les relations entre le Niger et la Russie sont assez limitées », estime ainsi Daniel Eizenga, expert du Sahel à African Center d’études et de stratégie. « Hormis un accord militaire d’août 2017 à durée indéterminée qui comprend une disposition relative à la lutte contre le terrorisme, le Niger a peu de liens avec la Russie en matière de sécurité », précise-t-il.

Lutte contre le terrorisme

En novembre 2022, sous le mandat du président déchu, Mohamed Bazoum, la Russie et le Niger ont toutefois renforcé leur relation après une rencontre à Niamey dans la capitale entre le ministre de la Défense d’alors, Alkassoum Indatou, et l’ambassadeur russe à Bamako, Igor Gromyko. Le contenu de la rencontre n’a pas été dévoilé. Toutefois, les deux parties ont abordé des questions relatives à la formation des soldats et à la fourniture en armes et minutions pour la lutte contre le terrorisme dans le pays et sur l’ensemble du Sahel.

« C’était un poison que les autorités venaient d’avaler lorsque le Niger venait de renforcer ses liens avec la Russie », fait remarquer un cadre du parti du président déchu, Mohamed Bazoum, qui s’est confié à Deutsche Welle sous le couvert de l’anonymat, craignant pour sa sécurité.

Ce rapprochement Niger-Russie, pourrait se poursuivre à la suite du putsch, particulièrement pour ce qui concerne la vente d’armes par Moscou.

« La vente d’armes au Niger, c’est une piste à explorer parce que depuis 2010, les Etats du Sahel ont tendance à divertir leur relation, ça peut être une chance pour la Russie de vendre ses armes et obtenir de ressources, puisqu’elle est engagée dans un conflit avec l’Ukraine qui lui coûte très cher », explique Bakary Traoré, docteur en sciences politiques depuis Bamako au Mali.

Le Niger, une opportunité pour Wagner ?

Evoquant la situation au Niger, Evguéni Prigojine, le chef du groupe paramilitaire russe Wagner, a déclaré dans un enregistrement, publié le 7 août sur sa chaîne Télégram, qu’il était aux côtés « des peuples qui se battent pour leur souveraineté et leurs droits ». Cette déclaration faisait suite de la visite à Niamey le 7 août denier de Victoria Nuland, la numéro deux de la diplomatie américaine.

Malgré tout, il est trop tôt pour parler d’une éventuelle présence de la milice Wagner au Niger , estime Leslie Varenne, directrice de l’Institut de veille, d’étude et des relations internationales et stratégiques de Paris. : « Il y a beaucoup de rumeurs qui circulent autour de la présence de Wagner au Niger, mais pour l’instant on a aucune preuve concrète. » La chercheuse s’interroge en ces termes : « maintenant, quelles sont les relations des militaires au pouvoir actuellement avec la Russie ? Moi je n’en vois aucune ».

La plupart des dirigeants actuellement au pouvoir au Niger ont, en effet, été formés principalement dans des écoles américaines et françaises.

Campagne russe sur les réseaux sociaux

Néanmoins, des campagnes pro-russes et anti-françaises, conduites sur les réseaux sociaux avant le putsch au Niger, ont pu contribuer à déstabiliser le président déchu Mohamed Bazoum.

Des campagnes de propagande sur les réseaux sociaux se poursuivent depuis le coup d’Etat. Elles visent à discréditer la France et le régime du président Mohamed Bazoum et à imposer une influence russe.

D’après Daniel Eizenga, expert du Sahel à Africain Center pour les études et de stratégie, le Niger a bien été ciblé par des campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux autour du putsch du 26 juillet. Le chercheur évoque « des récits trompeurs qui dénigraient les dirigeant dans le but de préparer le terrain pour le coup d’Etat. » L’expert précise qu’« une fois le coup d’Etat réalisé, ces réseaux soutiennent la junte militaire au pouvoir par des informations erronées, affirmant que la France a armé les islamistes qui ont attaqué l’armée nigérienne. »

Une technologie sophistiquée

« Depuis le coup d’Etat au Niger, toute une flopée de fausses informations émergent à nouveau sur les réseaux sociaux à travers les photomontages, les vidéos trafiquées à l’aide d’intelligence artificielle, qui visent à manipuler ou à désinformer l’opinion publique sur les réseaux sociaux où les Nigériens se connectent », note également Quemal Affagnon, de l’ONG Internet sans frontières pour l’Afrique de l’Ouest.

Sur les réseaux sociaux, à l’image de ce qui s’est déroulé au Mali et au Burkina Faso, des activistes pro-russes attisent le sentiment anti-français pour accroître son influence dans la région.

« Le soi-disant sentiment anti-français, c’est juste que la Russie perturbe les relations franco-africaines et attise ce sentiment, bien sûr au moment où elle veut établir des partenariats et se faire des amis et des alliés dans la région », résume pour sa part Ovigwe Eguegu, analyste politique nigérian.

Des milliers de partisans des putschistes ont d’ailleurs manifesté vendredi 11 août 2023 dernier près de la base française à Niamey. A l’image d’un précédent rassemblement dans le stade de la capitale le 6 août, les manifestants ont de nouveau brandi des drapeaux russes et crié des slogans hostiles à la France et à la Cédéao.

Les relations entre le Niger et la Russie (msn.com)