Un triste record classe l’Afrique parmi les continents les plus instables depuis la Seconde Guerre mondiale. La tentative de coup d’État qui se déroule en ce moment même au Gabon est en effet la 146e du nom depuis 1945 et le vaste mouvement de décolonisation des années 1960. Selon nos décomptes, 41 pays d’Afrique ont connu au moins une tentative sérieuse de renversement du pouvoir.

Dans le monde, 7 coups d’État sur 10 environ ont lieu en Afrique. Sur les 146 coups, 37 ont échoué, soit un taux de réussite de 75 % qui laisse à penser que la tentative de renverser le pouvoir est souvent payante? Dans nos calculs, nous avons exclu les mutineries ou complots déjoués avant leur déclenchement, comme à Djibouti en février 2022.

Nasser, premier putschiste d’une longue série

L’Égypte inaugure cette longue série lorsque, dans la nuit du 22 au 23 juillet 1952, Nasser renverse la monarchie du roi Farouk Ier, heureusement sans effusion de sang. Il faut attendre 1958 pour assister au deuxième coup d’État du continent : il a lieu au Soudan, le 17 novembre, quand l’armée empêche le Parlement de siéger et porte au pouvoir le général Ibrahim Abboud. La République du Soudan avait obtenu son indépendance le 1er janvier 1958. Fait particulier : c’est le Premier ministre, Abdallah Khalil, un général à la retraite, qui a planifié ce coup d’État militaire contre son propre gouvernement de coalition?

Le Soudan, depuis, détient le record des putschs avec 10 renversements ou tentatives, le dernier en date remontant au 25 octobre 2021, lorsque l’armée soudanaise dépose le gouvernement de transition. Le Premier ministre Abdallah Hamdok est arrêté, puis réinstallé dans ses fonctions le 21 novembre, avant de se retirer le 2 janvier 2022.

Le Soudan précède deux autres pays particuliers éruptifs : Le Burundi, 8 coups d’État ou tentatives, depuis son indépendance le 1er juillet 1962, à égalité avec le Burkina Fasso (ancienne Haute Volta), indépendant depuis août 1960. Soit environ une moyenne d’un coup d’État ou tentative tous les sept à huit ans. Parmi les pays les plus instables figurent également le Nigeria (7 coups d’État), le Congo, le Bénin (6), la République centrafricaine (6), le Tchad (6), les Comores (5), le Ghana (5), le Mali (5), la Guinée-Bissau (5), l’Éthiopie (4), l’Ouganda (4)?

Des dirigeants à vie

Le Niger, qui fait l’actualité ces jours-ci, avec le renversement et la séquestration du président Mohamed Bazoum, en est à son 6e putsch ou tentative depuis son indépendance le 18 décembre 1958. Le premier putsch a eu lieu le 15 avril 1974, lorsque Senny Kountché prend le pouvoir par les armes avec le titre de « président du Conseil militaire suprême de la République du Niger ». Il exerce, de facto, la fonction de chef de l’État jusqu’à sa mort en novembre 1987.

Parmi les pays qui n’ont pas connu de coup d’État, on compte l’Afrique du Sud, où la transition vers la fin de l’apartheid s’est faite en douceur. Le Malawi n’a pas connu de coup d’État dans la mesure où la Constitution, en 1970, a été modifiée pour confier à Hastings Kamuzu Banda le titre de « président à vie ». Le régime est devenu une dictature mais Banda a dû quitter le pouvoir en 1994 à l’âge vénérable de 98 ans, non sans avoir été battu lors d’élections libres.

Si on découpe les périodes par décades, la palme revient aux seventies, avec 34 coups d’État ou tentatives, sous l’effet de la Guerre froide. Les années 1960 et 1980 culminent à 25 putschs ou tentatives. Après la décennie 1980, on constate une décrue : 19 dans la décennie 1990 et 17 dans les années 2000, 15 dans les années 2010. Depuis 2020, en seulement trois ans et demi, les coups portés au pouvoir s’élèvent déjà à 10. Tout annonce une nouvelle phase d’instabilité en Afrique.

Pas moins de 146 putschs en Afrique depuis 1952 (msn.com)