« Presque tous les prix sont en hausse à cause de l’embargo », se défend devant ses clients Elhadj Ali, commerçant au marché Dar-es-salam de Niamey : depuis les sanctions ouest-africaines imposées en réponse au coup d’Etat du 26 juillet, les Nigériens tentent à tout prix d’éviter l’asphyxie.

Le Niger subit en premier lieu l’inflation, née des lourdes sanctions économiques et financières imposées le 30 juillet par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), quatre jours après le coup d’État militaire qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum.

Dans cet immense pays en grande partie désertique, sans littoral et très dépendant de ses voisins, un sac de riz de 25 kg importé coûte désormais 14 500 francs CFA (soit 22 euros), contre 11 500 (environ 18 euros) avant les sanctions.

« Pour le moment, il n’y a pas de pénuries, les stocks de produits permettront au pays de tenir jusqu’en décembre », assure Chaïbou Tchiombiano, secrétaire général du Syndicat des commerçants exportateurs-importateurs du Niger.

Il avertit toutefois que la réduction des exportations de riz par la Chine et la Thaïlande pourrait engendrer « la rareté » d’un aliment apprécié au Niger.

Depuis les sanctions, les populations se ruent vers le riz local, mais les usines – comme celles d’autres industries du pays – tournent au ralenti, subissant des délestages, suite à la suspension de la fourniture d’électricité par le Nigeria voisin qui a en outre fermé ses frontières avec le Niger, selon le ministère nigérien du Commerce.

Le Nigeria, géant économique dont le chef de l’Etat Bola Tinubu est l’actuel président en exercice de la CEDEAO, fournit 70% de l’électricité utilisée par le Niger.

Si les marchés regorgent encore de denrées, les effets du blocus se font surtout ressentir sur les stocks de médicaments, dont l’essentiel des commandes entrent par le port de Cotonou, au Bénin voisin, qui a également fermé ses frontières, et où transite 80% du fret nigérien.

« Le taux de rupture des médicaments tourne autour de 30 à 55% depuis le 19 septembre (alors que) le seuil toléré est de 7% », explique à l’AFP le secrétaire général de l’Ordre des pharmaciens du Niger, Amadou Seyni Maïga. Pour prévenir une éventuelle « catastrophe », il plaide pour que le blocus sur les médicaments soit « levé ».

A la frontière avec le Bénin, des centaines de camions remplis de marchandises souhaitant entrer au Niger sont bloqués : le seul pont enjambant le fleuve Niger est coupé par de grands camions et des conteneurs.

Des embarcations de fortune font alors d’incessantes navettes illégales entre les deux rives pour acheminer passagers, marchandises et bétail.

Au Niger, des réseaux de contrebande, contrôlés par de puissants opérateurs, tentent d’assurer tant bien que mal l’approvisionnement de plusieurs régions de l’ouest et du sud, dont celles de Zinder et Maradi, limitrophes du Nigeria.

« Sur des motos, dans de petits véhicules, des contrebandiers font rentrer des quantités non-négligeables de produits essentiels », raconte un habitant de Maradi. Les territoires du nord du Niger évitent, eux, les conséquences de l’embargo.

« Grâce aux corridors algérien et libyen nous sommes très bien approvisionnés, les camions viennent régulièrement chargés de pâtes alimentaires, d’huile, de farine, de produits électroménagers et de matériaux de construction », confirme à l’AFP le maire d’Agadez, Abdourahamane Tourawa.

Le régime militaire nigérien, limité par le gel des avoirs de la Banque centrale d’un pays producteur d’uranium, de pétrole et d’or, mise sur les ressources financières internes.

Le Premier ministre nommé par les militaires, Ali Mahaman Lamine Zeine, s’est récemment réjouit d’avoir pu payer les salaires des mois de juillet et août aux fonctionnaires et aux Forces de sécurité sur les seules recettes internes.

Le gouvernement « explore toutes les sources possibles » d’approvisionnement, a assuré à la télévision nationale le ministre du Commerce, Seydou Asman. Fustigé par les pays occidentaux dont la plupart ont coupé leur aide au développement, le régime militaire cherche d’autres alliés, notamment dans la région.

Le Burkina Faso, également dirigé par des militaires, s’est montré solidaire du Niger en maintenant ses frontières ouvertes.

Plusieurs voix se sont élevées hors du Niger contre la politique des sanctions, dont celle de Médecins sans frontières (MSF) qui appelait début septembre « à rompre avec toute logique de punition collective ».

Niger : après les sanctions économiques, éviter à tout prix l’asphyxie (msn.com)