Le 20 octobre 2023 marque le premier anniversaire de la sanglante répression des manifestations de l’opposition contre la prolongation de la transition en cours.

L’un des initiateurs de ces manifestations, qui a fui le pays après ces événements et qui devait rentrer d’exil ce 18 octobre, l’opposant Succès Masra, a dû reporter son retour à cause d’un mandat d’arrêt international lancé contre lui.

Beaucoup de militants de son parti, Les Transformateurs et bien d’autres Tchadiens, ont perdu la vie.

Certains portent encore les séquelles de ces violences, comme le jeune Mougabe Ngarmaibé.

« Le 20 octobre 2022, je sortais pour aller manifester et c’est devant la maison qu’on m’a pris », dit le jeune homme.

Déporté à la prison de Koro Toro

Mougabé Ngarmaibé, âgé d’une vingtaine d’années, est l’une des nombreuses victimes de la violente répression des manifestations du 20 octobre 2022.

Arrêté ce jour-là devant le domicile familial, Mougabé affirme avoir été enfermé pendant un jour et demi, avec plusieurs autres personnes, dans un commissariat, avant d’être déporté à la prison de haute sécurité de Koro Toro, située en plein désert.

« Pour notre transport de N’Djamena à la prison de Koro Toro, il y avait des véhicules appelés MB (matériels blindés) qui avaient été apprêtés. Et moi, comme je suis de taille courte, j’avais du mal à monter sur ces véhicules. Mais on nous a forcés à monter en nous tabassant et c’est comme ça qu’on nous a entassés. Dans l’un de ces véhicules où je me suis retrouvé, il y avait plus de 200 personnes. Alors que d’après les renseignements, ces véhicules ne pouvaient transporter que 50 personnes », raconte Mougabé Ngarmaibé.

« Nous étions obligés de nous asseoir sur les cadavres »

Des conditions de transfert atroces qui ont occasionné la mort de dizaines de détenus, comme le raconte Mougabé.

« Dans le véhicule où je me trouvais, il y a eu 39 morts, donc nous étions obligés de nous asseoir sur les cadavres. Arrivés à Koro Toro, les corps étaient en état de décomposition avancée et on ne pouvait pas les porter à la main. Donc les militaires sont venus avec des pelles pour ramasser ces corps pour une destination inconnue. On nous a fait savoir qu’ils allaient les enterrer ».

Pendant près de six mois, à la prison de Koro Toro, ces personnes arrêtées ont vécu toutes sortes de traitements cruels, humiliants et dégradants.

« Arrivés à Koro Toro, ce n’étaient pas les militaires qui nous traitaient. Il y avait sur place une équipe de prisonniers composée rien que par des terroristes de Boko Haram. C’est à eux qu’on a donné le bâton de commandement pour nous traiter. C’est eux qui venaient pour nous faire sortir, pour nous torturer. Une semaine après notre arrivée, on n’avait toujours pas pu trouver à manger. L’eau au moins, on nous en a servi. On était nu, on a passé nos nuits au sol. Il a fallu l’arrivée de l’équipe du CICR (Comité international de la Croix Rouge) pour trouver des habits et des couvertures ».

« C’est très difficile en ce moment »

Après un procès de masse sans assistance d’avocats dans le désert, Mougabé Ngarmaibé sera condamné, avec plusieurs autres détenus, à deux ans de prison ferme avant d’être gracié par le président de la transition.

Mais aujourd’hui, sa vie a complètement basculé.

« Jusqu’à aujourd’hui, j’ai des séquelles. A l’hôpital, on m’a dit que j’ai un abcès au foie donc il faudrait soigner cela. Mais je suis incapable d’acheter des médicaments pour me soigner. J’ai perdu mon boulot, j’ai perdu ma famille parce que ma femme m’a quitté avec un enfant. C’est très difficile en ce moment. Mais pour moi, sur le plan social et politique dans ce pays, les choses auraient dû changer après ces événements (manifestations du 20 octobre 2022, ndlr). Mais les choses ont plutôt empiré jusqu’à aujourd’hui et c’est dommage ».

Ce récit de Mougabé Ngarmaibé illustre bien la situation de tant d’autres victimes de cette répression qui a fait plus de 70 morts selon le gouvernement, plus de 300 selon l’opposition et les ONG de défense des droits de l’Homme. 128 morts et des centaines de blessés, selon la Commission nationale des droits de l’homme tchadienne.

Tchad : une victime de la répression du 20 octobre témoigne (msn.com)