Après trois mois de tiraillements sur fond de défiance réciproque et de menaces d’intervention militaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger, l’heure semble aux tentatives de rapprochement entre les tombeurs de Mohamed Bazoum et l’organisation sous-régionale. C’est ce que l’on est porté à croire, à travers les propos du représentant de la junte nigérienne présent au Forum paix et sécurité de Lomé qui a refermé ses portes le 22 octobre dernier. Et à écouter le Général Mohamed Boubacar Toumba, par ailleurs ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de la décentralisation dans le gouvernement du régime militaire qui a renversé le président Mohamed Bazoum, le 26 juillet dernier à Niamey, la junte n’est pas seulement dans des dispositions de renouer le dialogue avec la CEDEAO, mais elle est aussi demandeuse d’un tel dialogue.

La CEDEAO n’est pas allée de main morte dans ses sanctions visant à contraindre les militaires à rendre le pouvoir

Mieux, elle appelle à la solidarité de la CEDEAO pour lutter contre les terroristes. Morceaux choisis : « Nous, nous sommes là pour faire le dialogue. Que cela puisse vous surprendre, c’est peut-être nous qui sommes des hommes de dialogue. Ce n’est plus la CEDEAO qui a bandé les muscles et qui veut attaquer le Niger ». « (…) Nous voulons plutôt avoir leur solidarité en venant nous aider à combattre les terroristes ». Qui l’eût cru ? La junte nigérienne qui est prête à coopérer avec la CEDEAO après les passes d’armes de ces derniers mois, qui ont fait craindre le pire ; tant le ton était monté entre les deux parties. Creusant davantage le fossé de la méfiance entre des protagonistes qui se regardaient en chiens de faïence depuis le coup d’Etat du 26 juillet dernier qui a déclenché la colère de l’institution d’Abuja. Et l’organisation communautaire n’est pas allée de main morte dans ses sanctions visant à contraindre les militaires à rendre le pouvoir dans les meilleurs délais, au président renversé, en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel au pays du Ténéré. Toujours est-il que ce changement d’attitude de la part des putschistes nigériens, ne manque pas d’interroger. Surtout que dans le même temps, le missi dominici de la junte nigérienne au pays des Gnassingbé, s’est voulu très clair concernant « les sanctions [de la CEDEAO qui] sont très dures ». Ainsi donc, la junte nigérienne a besoin de la CEDEAO ! De là à voir dans les propos du Général nigérien, un appel… de la godasse à la CEDEAO, il y a un pas que d’aucuns pourraient vite franchir. Avec cette déclaration qui ne manquera pas de surprendre plus d’un, la question est de savoir si après avoir joué les durs à cuire en donnant parfois l’impression de snober la CEDEAO accusée d’être à la base de toutes les souffrances du Niger et de faire le jeu de la France, la junte nigérienne n’est pas en train de changer… sa kalach d’épaule.

Le Général Tchiani et ses frères d’armes, semblent pris à la gorge par les sanctions de l’organisation communautaire

La question mérite d’autant plus d’être posée qu’il n’est aujourd’hui un secret pour personne que les sanctions de la CEDEAO pèsent lourdement sur le peuple nigérien. Et elles commencent à faire leurs effets avec une situation économique et financière de plus en plus difficilement tenable. Mais si cette épreuve n’est pas encore motif, pour les tombeurs de Mohamed Bazoum, à céder aux injonctions de la CEDEAO qui ne demande ni plus ni moins que le rétablissement hic et nunc de l’ordre constitutionnel, cela pourrait, à tout le moins, expliquer un tel revirement à l’effet de desserrer l’étau des sanctions de la CEDEAO. La question est maintenant de savoir si l’organisation ouest-africaine fera le pas dans le sens d’une satisfaction de la requête des putschistes de Niamey, à la solidarité pour combattre les terroristes. Rien n’est moins sûr. Par contre, on attend de voir si l’organisation sous-régionale saisira la perche de cette quête manifeste de dialogue de la part des putschistes de Niamey, pour tracer les sillons d’une sortie de crise, après le flop de la médiation algérienne. En tout cas, la CEDEAO a intérêt à saisir au bond la balle d’éventuelles pourparlers. D’autant que derrière cette sortie médiatique de la junte nigérienne, peut se cacher une dure réalité : le rapport de force n’est pas loin de pencher en faveur de l’Organisation sous-régionale. Et si cela peut permettre de faire bouger les lignes dans le sens d’une résolution de la crise, ce serait tant mieux ! Mais encore faudrait-il que le Général Tchiani et ses frères d’armes, qui semblent pris à la gorge par les sanctions de l’organisation communautaire, puissent donner des gages à une CEDEAO plus que jamais méfiante, et qui n’a certainement pas envie d’être le dindon de la farce une fois que l’ étau des sanctions sera desserré, toute chose qui pourrait pousser les militaires à nourrir des envies de s’enraciner au pouvoir.

« Le Pays »