Trente millions de FCFA, soit environ 45 000 euros ! C’est le montant de la caution que le Parti démocratique sénégalais (PDS) a déposée, le 27 novembre dernier, pour la candidature de Karim Wade à la présidentielle du 24 février prochain. Après la collecte des parrainages, le paiement de la caution exigée est un acte supplémentaire qui dévoile les intentions de l’exilé du Qatar qui continue pourtant de garder le silence sur sa candidature à la présidentielle de février 2024, et ce, malgré le choix porté sur sa personne par son parti qui n’attend que le moment propice pour organiser sa cérémonie officielle d’investiture. C’est dire si le paiement de cette caution, qui permet au fils de Wade père de remplir la deuxième condition pour s’aligner dans la course à la succession de Macky Sall, sonne comme la fin d’un faux suspense relativement à sa candidature à cette présidentielle qui aiguise bien des appétits et cristallise les attentions au pays de la Teranga.
Petit à petit, le loup de Doha est en train de sortir…du désert
Car, il faut être naïf pour croire que le fils de Gorgui, qui n’a jamais fait mystère de son ambition d’emboîter le pas à son père, au Palais de la République, puisse casquer trente millions de francs CFA comme caution d’une présidentielle pour le compte d’un parti, s’il n’est pas animé de la volonté de jouer lui-même les premiers rôles. C’est dire si, petit à petit, le loup de Doha est en train de sortir…du désert. Et avec ce dépôt de caution, à moins de trois mois de la tenue du scrutin, le retour au bercail de l’ex-ministre du Ciel et de la terre d’Abdoulaye Wade, se précise davantage. Et cela est loin d’être étonnant. Car, non seulement Karim Wade a recouvré son éligibilité au terme des recommandations du Dialogue national, qui ont conduit à la modification du Code électoral, le rétablissant dans ses droits civiques et politiques. Mais aussi, tout porte à croire que ni le temps, ni la distance n’ont réussi à éroder son vieux rêve de succéder un jour à son père, au palais présidentiel. Du reste, on le voyait venir, dès lors qu’avec Khalifa Sall, il s’était désolidarisé de Ousmane Sonko et du PASTEF qui prônaient le boycott, pour participer au Dialogue national du chef de l’Etat qui s’est tenu dans les conditions que l’on sait, et qui a abouti aux conclusions que l’on sait. Autant dire que c’est une participation au dialogue présidentiel qui était calculée et dont le résultat attendu, pour Karim, était de se remettre dans le jeu politique, après sa condamnation en 2015 qui l’avait déchu de ses droits civiques et politiques. Une lourde condamnation judiciaire qui le rendait « inéligible de façon permanente » aux termes de l’ancien Code électoral, pour avoir « été condamné à une peine supérieure à cinq ans de prison ». Il en est de même pour Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar, qui avait été écarté de la présidentielle de 2019, suite à sa condamnation à cinq ans de prison pour détournement de deniers publics, avant d’être gracié par le président Macky Sall. Et tout porte à croire que lui aussi sera au rendez-vous du 24 février prochain.
Le tout n’est pas de se porter candidat
Le grand perdant, pour le moment, reste le président du PASTEF, Ousmane Sonko, toujours empêtré dans ses déboires judiciaires et qui n’a pas encore trouvé le chemin de la validation de sa candidature à cette présidentielle qui lui tient à cœur. Un scrutin qui s’annonce des plus ouverts, en l’absence du chef de l’Etat sortant, Macky Sall, qui a publiquement clarifié sa position dans le sens du renoncement à un troisième mandat dont l’opposition lui prêtait l’intention. De quoi couper l’herbe sous les pieds du maire de Ziguinchor qui se retrouve groggy d’une condamnation judiciaire rédhibitoire à son éligibilité et dont la stratégie de victimisation a montré ses limites, en s’écroulant du jour au lendemain, comme un château de cartes. En tout état de cause, au-delà de la pluralité des candidatures qui s’annoncent ici et là, cette remise en selle des deux poids lourds de l’opposition sénégalaise, est le signe de la vitalité de la démocratie sénégalaise qui garde, quoi qu’on dise, ses marques sous nos tropiques où en d’autres circonstances, on aurait trouvé tous les moyens pour maintenir hors course, des candidats comme Karim Wade et Khalifa Sall. Pour sûr, leur participation à la compétition électorale, ne manquera pas de donner du piquant à une présidentielle qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et de salive. Mais le tout n’est pas de se porter candidat. Il faut aussi et surtout travailler à avoir la confiance du peuple sénégalais dans les urnes. Et c’est là, le plus grand défi pour Karim Wade qui s’apprête à signer son retour dans l’arène politique de son pays, après une traversée du désert qui aura duré plus de huit ans et qui l’a conduit derrière les dunes de sable du Qatar d’où, en se rasant chaque matin, il se rêve d’un destin national. 2024 lui en donnera-t-il l’occasion ? On attend de voir.
« Le Pays »