La guerre au Soudan est souvent citée dans une même phrase avec les conflits en Ukraine ou à Gaza, comme l’un des conflits armés les pires au monde. Depuis avril 2023, les paramilitaires, alliés à des milices arabes, affrontent l’armée soudanaise : des combats qui auraient plus de 10.000 victimes, selon l’Onu. Dans la région du Darfour, dans l’ouest du Soudan, les violences ont pris une tournure ethnique qui aggravent une situation humanitaire déjà alarmante au bout de vingt ans de guerre civile.
Une mortalité multipliée par vingt
En juin 2023, le chef-lieu du Darfour occidental, el-Geneina, est tombé aux mains des paramilitaires des FSR conduits par le général Mohammed Hamdane Daglo, allié avec des milices arabes. L’ONG Médecins sans frontières, qui intervient des deux côtés de la frontière, au Soudan et au Tchad, a constaté deux exodes massifs en juin et en novembre. (Ecoutez ci-contre l’interview de Claire Nicolet, de MSF). La mortalité a été multipliée par vingt dans la région depuis le début de la guerre, en avril.
La communauté massalit particulièrement visée
Rien qu’à el-Geneina, des experts de l’Onu ont recensé « entre 10.000 et 15.000 » personnes tuées depuis avril 2023. Les personnes visées seraient majoritairement des hommes de la communauté massalit. MSF a pu interroger des patients et des réfugiés. Claire Nicolet, responsable des programmes d’urgence de Médecins sans frontières (MSF) pour le Soudan, relate leur calvaire : « Ils s’étaient fait tirer dessus sur la route. D’autres se sont aussi fait battre sur la route ou à l’intérieur de la ville d’el-Geneina. Ils décrivaient entre le mois d’avril et le mois de juin des combats assez intenses et le ciblage de certaines populations qui étaient visées. Ainsi que des cas de violences sexuelles à des points de passage, utilisées comme monnaie d’échange pour pouvoir continuer la route. »
L’urgence humanitaire
Les combattants ont également détruit, pillé et incendié des infrastructures civiles : des écoles, des mosquées. MSF, qui a de nouveau accès aux lieux, a constaté que plusieurs camps de déplacés du Darfour occidental ont été détruits aux alentours d’el-Geneina. La situation humanitaire est alarmante. Les experts de l’Onu accusent les paramilitaires et les milices arabes de violations pouvant relever de « crimes de guerre » voire de « crimes contre l’humanité ».
« L’aspect nourriture est l’une de nos grandes inquiétudes, en plus des abris, de l’eau et de l’accès à la santé », précise Claire Nicolet qui rappelle que les blessés ne représentent qu’une partie de la réponse médicale, mais que le gros des besoins se concentre sur les femmes enceintes, les maladies chroniques, la pédiatrie.
Or, au Soudan, la population n’a quasiment plus accès aux soins de santé. Côté tchadien, les capacités des infrastructures sont dépassées en raison de l’afflux régulier de nouveaux réfugiés. Quant au financement de l’aide, le bureau de coordination des Affaires humanitaires de l’Onu estimait, en décembre, que seuls 33% du plan de réponse étaient couverts pour le moment.