Dans le cadre de sa 17e édition, le festival Jazzablanca (du 6 au 8 juin 2024) a accueilli la saxophoniste et chanteuse néerlandaise Candy Dulfer, qui a replongé son public dans l’atmosphère de ses plus grands tubes des années 1980 et 1990, tout en dévoilant des nouveautés non disponibles sur les plateformes. En clôture d’un concert voulu par l’artiste comme porteur d’un message humaniste, la mâalma Hind Ennaira a rejoint la scène, pour une fusion festive entre jazz, gnaoua et rythmes africains.

«The Message» aura été un message d’amour que Candy Dulfer a souhaité partager en avant-première avec son public marocain, au 17e Jazzablanca (du 6 au 8 juin 2024). En concert parmi les têtes d’affiche de cette édition, la saxophoniste et chanteuse néerlandaise a choisi de jouer un de ses titres non disponibles sur les plateformes, prônant la paix «dans un monde en feu actuellement», a-t-elle lancé en s’adressant à ses nombreux fans devant la scène Casa Anfa. Cette chanson a fait partie des premières par lesquelles l’artiste a ouvert le bal, le temps d’un spectacle musical voulu humaniste et porteur de valeurs «pour les plus jeunes».

Mêlant jazz, funk et pop, Candy Dulfer a aussi voyagé avec son public à travers le temps, de son titre phare «Lily Was Here» issu de son tout premier album sorti en 1989, aux tubes de son tout dernier opus disponible depuis 2022. Célébrant ses retrouvailles avec le Maroc, depuis sa première participation à Jazzablanca en 2015, elle se dit également enchantée de rencontrer des artistes locaux et de collaborer avec eux. Enflammant la scène en clôture d’un concert haut en couleur, elle a ainsi joint son saxophone au guembri de la mâalma Hind Ennaira, toutes deux accompagnées de leurs musiciens pour une œuvre musicale inédite, entre gnaoua, jazz et autres sonorités africaines.

«Depuis ma première venue, je trouve que Jazzablanca est désormais un grand festival très connu. Jouer ici avec Hind Ennaira à l’occasion de mon retour a été la plus belle idée, particulièrement en ces temps actuels où nous sommes rattrapés par la grande Histoire», a confié Candy Dulfer à Yabiladi.

La musique pour rapprocher dans les différences

«Je viens des Pays-Bas, un pays qui compte une importante diaspora marocaine. Je suis aussi d’un pays qui a eu un passé esclavagiste. Tout l’esprit de la musique gnaoua est une ode à la liberté, à la paix et contre l’esclavage. Je pense que les temps présents nous disent qu’il est plus que jamais important pour nous tous de nous reconnecter les uns aux autres», a ajouté Candy Dulfer auprès de notre rédaction.

«Lorsque nous nous sommes à peine rencontrées dans le cadre de cette collaboration artistique, Hind Ennaira et moi, nous ne trouvions pas les mots pour échanger. Mais dès que nous avons commencé à jouer de nos instruments, tout le reste est venu par lui-même. Si nous sommes capables de faire cela à travers la musique, nous apprendrons à nous connaître : je vois devant moi une jeune femme forte, mais qui a un grand cœur. Chacune de nous a un instrument entre les mains pour parler aux autres. Comme nous avons pu le faire à deux, je pense que le monde entier peut le faire.»

Candy Dulfer

Pour sa toute première participation à Jazzablanca, Hind Ennaira a dit être «honorée de monter sur scène avec Candy Dulfer, qui est une grande artiste mondialement connue». «Nous savons que par ses influences continentales éclectiques, la musique gnaoua peut aller avec différents styles d’ici et d’ailleurs. Avec celui de Candy Dulfer, l’harmonie a tout de suite été là et le courant est passé rapidement. Nous nous sommes trouvées à nous parler exactement le même langage et nous n’avions pas eu besoin d’autre chose pour nous comprendre mutuellement, pour savoir ce que l’une ou l’autre aimerait dire ou comment nous aimerions faire les choses», nous a déclaré la mâalma.

Ces sonorités ne sont d’ailleurs pas étrangères à Candy Dulfer, qui a évolué au sein de la scène musicale très diversifiée d’Amsterdam, comme elle le rappelle à Yabiladi : «Vu notamment l’importante présence marocaine dans cet univers, j’ai été amenée à écouter ce style, sans savoir initialement que c’était bien de la musique gnaoua. Pour autant, je l’ai bien ressentie comme étant une véritable âme sœur du jazz.»

«J’entends la musique marocaine et les musiques africaines généralement comme ayant des rythmes qui correspondent beaucoup à un instrument comme le mien et aux différents types de jazz. C’est à l’image de ce que devrait être notre monde: nous pouvons être singulièrement différents les uns les autres. Mais dès que nous trouvons la bonne note sur laquelle nous accorder, plus rien ne nous arrête. C’est toute la beauté des choses qui viennent du cœur.»

Candy Dulfer

Dépasser le plafond de verre dans l’univers musical

Outre son aspect artistique, ce travail collectif orchestré par Candy Dulfer et Hind Ennaira a revêtu une dimension de promotion de la présence féminine sur la scène musicale. Autrement dit, il contribue à illustrer une réponse aux idées reçues concernant le milieu artistique, voulu encore très masculin. «Je le pense vraiment et je le vois réellement. Les gens peuvent vous poser des limites en vous disant que vous ne pourriez pas aller au-delà. Dès que vous franchissez cette barrière, la limite est levée», a déclaré la saxophoniste à Yabiladi.

«A partir du moment que vous dépassez de loin une barrière artistique qui vous a été posée, on ne peut ni vous rattraper, ni vous ramener en arrière. J’ai vécu moi-même tout cela. C’était très difficile pour moi d’être dans le rôle d’une musicienne femme, au début de ma carrière. Mais par la suite, je me suis rendue compte que beaucoup d’hommes me poussaient eux-mêmes à aller de l’avant et me disaient de faire ce que je faisais. Depuis, les choses ont changé et beaucoup de jeunes filles jouent du saxophone, ce qui est une excellente chose. Mais tout cela a commencé il y a tout juste 40 ans.»

Candy Dulfer

Pour l’artiste néerlandaise, «Hind Ennayra fait aussi partie de ces filles qui ont grandi dans un univers musical où elles ont réussi à changer les perceptions vis-à-vis de leur présence, de leur rôle ou de l’idée de jouer le guembri». «Je suis sûre que plusieurs filles sont en train de suivre son exemple car elles savent, à travers elle, qu’elles peuvent tenir cet instrument entre les mains être acceptées en tant qu’artistes», a ajouté Candy Dulfer.

«Je suis sûre aussi que beaucoup de personnes apprécient de nous voir avec un guembri sur scène et c’est le plus important pour moi. Nous sommes là pour créer des œuvres que nous aimons partager avec notre public», nous a déclaré pour sa part Hind Ennaira.

Jazzablanca 2024 : Candy Dulfer et Hind Ennaira conjuguent jazz et gnaoua au féminin (msn.com)