Elle comptait parmi les pionnières des musiques urbaines d’Afrique francophone et n’avait que 28 ans lorsqu’un accident de voiture mit brutalement fin à son parcours. L’hommage de Jules Ahadzi Komlan, son biographe.
La sortie de mon livre, Bella Bellow : Une légende africaine*, m’offre l’occasion de revenir sur le destin brisé de celle qui aurait dû devenir l’une des plus grandes voix du continent africain.
Le 10 décembre 1973, Bella Bellow, icône de la chanson d’Afrique francophone des années 1960-1970, meurt dans un accident de la circulation. La presse s’enflamme. Crime déguisé au moyen d’une voiture sabotée ? Exécution réalisée par de puissantes forces occultes tapies dans l’ombre ? Œuvre funeste de son ex-manager et ex-producteur ? Assassinat politique ? Règlement de comptes au sein de sa propre famille ? Tragique coup du sort ?
Qui était la vraie Bella Bellow ?
Un demi-siècle plus tard, les circonstances de la disparition de Bella Bellow demeurent, à bien des égards, une énigme. Propos fantaisistes, récits mensongers, désinformation, manipulations… Au fil du temps, la mort de la chanteuse, adulée pour ses multiples talents et son parcours d’exception, est l’objet de toutes sortes de spéculations dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Comment démêler le vrai du faux quand tant de choses ont déjà été dites, écrites ou suggérées ? Comment répondre à la multitude de questions encore non élucidées ? Comment concevoir et élaborer un storytelling qui livrerait un récit authentique, fidèle à la vie, à la carrière et à l’héritage de la diva ?
Pour découvrir qui était la femme derrière la star, je me suis attaché patiemment, délicatement et avec affection à retrouver de nombreux témoins, dont ceux qui ont assisté à la métamorphose de Georgette Adjoavi Nafiatou Bellow en Bella Bellow et à son ascension. Ce fut, pour moi, l’enquête la plus complexe et la plus sidérante de ma carrière de journaliste tant j’ai passé de temps à déconstruire les rumeurs et à écarter les fausses pistes, tant le destin tragique de Bella Bellow suscite de fantasmes.
En 1965, l’artiste, qui n’a alors que 20 ans, devient, grâce à son talent, l’ambassadrice de la chanson togolaise dans le monde. Partout où elle chante, Bella Bellow est portée aux nues par des foules au bord de l’hystérie. Les concerts se succèdent à un rythme effréné pour la diva à la voix envoûtante. Bella Bellow est en passe de devenir une icône planétaire. Sa recette est pourtant d’une simplicité proverbiale : elle met sa douce voix au service des traditions et des cultures togolaise et africaine.
Adoptée par Manu Dibango
À travers cet ouvrage, j’ai souhaité rendre à Bella Bellow le plus bel hommage qui soit. Fruit de trois années d’enquête, de collecte de souvenirs et de témoignages auprès de sa famille, d’artistes, de journalistes, de producteurs et de nombreux amis de la star, le livre se conçoit comme un album-souvenir, un recueil le plus exhaustif possible des trésors dont la chanteuse nous fit le don au cours de ses trop brèves vingt-huit années d’existence.
Grâce à des images d’archive, à des photos inédites de la star, à des extraits de son journal intime, à des articles de presse de l’époque, à des documents privés, j’entraîne le lecteur au cœur de l’âge d’or de la chanson africaine et de toutes les périodes artistiques de l’une des plus grandes voix africaines du siècle passé.
Je reviens, aussi, sur le mariage de la blueswoman d’Afrique, sur la naissance de Nadia, sa fille unique, et sur sa collaboration avec Gérard Akueson, celui grâce à qui la musique de Bella Bellow a su échapper à toutes les classifications. Vous y découvrirez comment elle a forgé sa légende en moins d’une décennie. Et comment elle fut adoptée par le grand Manu Dibango, dont nous gardons tous le nostalgique souvenir !
*Bella Bellow : une légende africaine, de Jules Ahadzi Komlan, Éditions du Signe, 112 pages, 26 euros.