La Côte d’Ivoire a pris une décision qui pourrait surprendre : la réintroduction du visa d’entrée pour ses propres citoyens se rendant au Maroc. Annoncée à travers un communiqué officiel du ministère des Affaires étrangères ivoirien daté du 14 août 2024, cette mesure s’appliquera dès le 1er septembre 2024 pour une période expérimentale de deux ans.
Cette décision, fruit de concertations entre les autorités ivoiriennes et marocaines, répond à des enjeux sécuritaires, migratoires et économiques, alors que les flux migratoires non contrôlés continuent de susciter des préoccupations à travers les pays du Maghreb.
L’un des éléments clés ayant motivé cette décision est la prolifération de réseaux criminels spécialisés dans la falsification de documents de voyage. Ces réseaux utilisent le passeport ivoirien comme une véritable « clé d’accès » pour les migrants clandestins cherchant à atteindre l’Europe via les pays du Maghreb, notamment le Maroc.
Le communiqué souligne que sur les milliers de migrants débarqués sur les côtes méditerranéennes, nombreux sont ceux qui se prévalent faussement de la nationalité ivoirienne. Ce phénomène, mis en lumière grâce à des enquêtes conjointes menées par les services ivoiriens et leurs partenaires étrangers, a révélé l’existence de circuits frauduleux bien organisés, disposant de faux cachets et autres moyens de contrefaçon sophistiqués.
La mesure vise donc à enrayer ce type de trafic et à restaurer la crédibilité du passeport ivoirien, tout en renforçant la sécurité nationale. Dans les faits, la Côte d’Ivoire n’entend pas imposer ce visa de façon définitive : il s’agit d’abord d’une expérience temporaire, qui pourrait être levée au bout d’un an si les résultats sont probants. Toutefois, la suspension de l’obligation du visa pourrait être prolongée pour deux années supplémentaires, selon les retours d’évaluation.
Impact sur les relations bilatérales et la circulation des citoyens
Ce rétablissement du visa concerne avant tout les détenteurs de passeports ordinaires. Les titulaires de passeports diplomatiques et de service, ainsi que les résidents ivoiriens se rendant dans d’autres pays, tels que les Émirats arabes unis, l’Europe ou l’Amérique du Nord, ne seront pas affectés. Ce détail reflète la volonté de maintenir les relations diplomatiques et commerciales tout en régulant un phénomène migratoire devenu complexe.
Sur le plan bilatéral, cette décision symbolise une collaboration active entre Rabat et Abidjan pour aborder conjointement les défis migratoires et sécuritaires. Elle rappelle également que les relations entre les deux nations ne se limitent pas à des partenariats économiques ou politiques, mais englobent aussi la gestion des mobilités humaines, un enjeu crucial à l’heure où les dynamiques migratoires en Afrique de l’Ouest sont en pleine transformation.
Régulation ou réponse provisoire ?
Si cette mesure se veut temporaire, elle pose néanmoins la question des approches durables à adopter pour faire face aux défis migratoires en Afrique. La Côte d’Ivoire, souvent présentée comme un modèle de stabilité économique en Afrique de l’Ouest, fait face à une nouvelle donne où la régulation des flux migratoires devient une priorité. Les mois à venir permettront de voir si cette initiative parviendra à juguler les pratiques frauduleuses, tout en évitant de pénaliser la majorité des Ivoiriens qui voyagent pour des raisons légitimes.
La décision de réintroduire un visa, bien que temporaire et ciblée, exclut plusieurs catégories spécifiques de citoyens. Tout d’abord, les Marocains désirant se rendre en Côte d’Ivoire ne seront pas concernés par cette mesure, ce qui montre la volonté des deux pays de maintenir la fluidité des échanges dans le cadre de leur partenariat stratégique.
De plus, les détenteurs de passeports diplomatiques et de service, ainsi que les Ivoiriens résidant légalement au Maroc, ou encore ceux munis de visas Schengen, américains, canadiens ou émiratis, ne seront pas affectés. Ce choix vise à ne pas entraver les déplacements des personnes qui voyagent pour des raisons professionnelles, diplomatiques ou familiales, tout en ciblant les flux irréguliers.
Fraude migratoire et passeports falsifiés
L’une des raisons principales ayant conduit le gouvernement ivoirien à agir ainsi réside dans l’ampleur de la fraude migratoire. Le cas de Lampedusa est éloquent : sur les 14 800 migrants se déclarant Ivoiriens, seuls quelques dizaines ont été formellement identifiés comme tels. Derrière ces chiffres se cache une mécanique bien huilée de faux passeports et de cachets contrefaits, manipulés par des réseaux criminels qui exploitent la crédulité des autorités frontalières en Europe et ailleurs.
En mettant en place cette restriction, les autorités ivoiriennes cherchent à asphyxier ces circuits frauduleux, tout en redonnant du crédit au passeport national. La mesure est, certes, sévère pour les Ivoiriens qui voyagent honnêtement, mais elle apparaît nécessaire pour combattre les abus qui nuisent à l’image du pays.
Toutefois, cette disposition n’est pas prévue pour être permanente. Elle sera réévaluée après une année d’application, avec la possibilité de prolonger ou de lever la restriction selon les résultats observés. Il s’agit donc d’une approche pragmatique qui vise à concilier sécurité nationale et respect des libertés de circulation légitimes. Cette expérimentation montre bien la complexité des défis migratoires contemporains, où des solutions souples, mais rigoureuses sont de mise.
Abidjan réintroduit le visa d’entrée au Maroc pour le citoyen ivoirien (msn.com)