Contrairement au Covid-19, la variole du singe est causée par un virus connu depuis des décennies, pour lequel nous possédons un outil de prévention démontré. Mais encore faut-il qu’il y ait une vraie stratégie pour lutter contre la maladie, estime le docteur Richard Mihigo.
Le 14 août 2024, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a sonné l’alarme sur la nouvelle épidémie de la variole du singe (Mpox) en la déclarant « urgence de santé publique de portée internationale ». Cette décision fait écho à celle du Centre Africain de contrôle des maladies (Africa CDC) qui avait déclaré, un jour plus tôt, l’épidémie de Mpox comme « urgence de santé publique de sécurité continentale », une première pour cette agence de l’Union africaine créée en 2017.
Des systèmes de santé vulnérables
L’émergence sporadique du virus Mpox dans cette partie de Afrique est un rappel brutal de la vulnérabilité de nos systèmes de santé face à certaines maladies émergentes comme les fièvres hémorragiques à virus Ebola ou à virus Marburg, la dengue, le chikungunya, etc. Ces maladies souvent dites orphelines continuent d’affecter des millions de personnes sur le continent, et plus particulièrement dans les zones difficiles d’accès, démunies d’infrastructures de base et de ressources médicales nécessaires.
L’épidémie de Mpox qui sévit depuis 2022, principalement en RDC et plus récemment dans plusieurs pays de la sous-région, illustre les lacunes importantes en matière de surveillance et de prévention des systèmes de santé publique sur le continent, mais également le manque de réaction rapide face aux menaces auxquelles l’Afrique fait face.
Contrairement à la pandémie de Covid-19, la variole du singe est causée par un virus connu depuis des décennies et pour lequel nous possédons un outil de prévention démontré. Il est donc difficile de comprendre pourquoi l’Afrique peine à faire face à des épidémies de Mpox à répétition.
Actuellement, on estime qu’il existe environ 200 000 doses de vaccins disponibles dans le monde contre ce virus, un chiffre bien trop faible compte tenu des besoins réels. Rien que pour l’Afrique de l’Est, plusieurs millions de doses de vaccin sont nécessaires pour répondre efficacement à la menace.
Des solutions rapides sont possibles
L’élaboration d’une stratégie globale pour lutter contre cette maladie en misant sur le renforcement des capacités et l’autonomisation de nos systèmes de santé doit être notre priorité. La pandémie de Covid-19 a démontré que lorsque la volonté politique et les ressources nécessaires sont mobilisées à temps, il est possible de développer des solutions rapidement, à grande échelle et à moindre coût. Alors pourquoi attendre qu’une épidémie évolue et devienne hors de contrôle pour agir ? Nous devons prendre action dès à présent pour contenir la menace de portée mondiale que cette maladie représente.
Les pistes de réflexion sur la manière d’atteindre ce but sont nombreuses. La plus évidente est l’accélération des efforts d’immunisation. Depuis l’éradication de la variole en 1977, la vaccination systématique a été stoppée. Il est important de noter que la vaccination contre la variole offrait une protection croisée contre la variole du singe.
Une collaboration accrue entre les différents pays, le secteur privé et les organes de recherche est nécessaire pour faire baisser le coût de la production des vaccins et de l’immunisation, et améliorer ainsi l’accès aux vaccins dans les pays à faibles revenus, qui sont souvent ceux qui sont les plus touchés. Pour cela, l’OMS et l’Africa CDC ont un rôle crucial à jouer.
Un signal d’alarme pour l’Afrique
La résurgence de la variole du singe et sa propagation aux quatre coins de notre continent est un nouveau signal d’alarme pour l’Afrique. À l’aube du passage à la deuxième moitié de cette décennie, force est de constater que les objectifs de développement durable en matière de santé publique peinent à être atteints.
Il est temps que l’Afrique place la santé au cœur de son développement. Cela passe par une meilleure résilience des systèmes de santé, adaptés aux contextes locaux, y compris les déterminants socio-culturels, économiques et environnementaux.
Cela passe aussi par l’avènement d’un pacte de santé publique intra-africain et international. Le bureau Afrique de l’OMS, dont je suis candidat à la direction, doit jouer un rôle pivot dans la redéfinition, en intelligence avec les pays concernés, des priorités en matière de santé.
Les institutions de santé publique au niveau continental et mondial, y compris les partenaires financiers, doivent y mettre du leur. Des investissements conséquents dans la recherche et le développement pour les industries pharmaceutiques locales restent une nécessité. L’accumulation des brevets, des technologies et des vaccins dans une seule partie du monde est une tactique contre-productive. La création de plateformes et de mécanismes de solidarité interétatique est en revanche nécessaire.
L’Afrique ne doit pas faire face seule à cette épidémie. Elle ne doit pas non plus supporter seule le coût humain d’une maladie que nous pouvons et devons éradiquer. En agissant dès aujourd’hui, nous pouvons non seulement contenir et mais aussi éradiquer la variole du singe. Nous pouvons aussi préparer nos systèmes de santé à faire face aux menaces sanitaires de demain.
Le Dr Richard Mihigo est candidat à la direction de l’OMS