« J’ai travaillé sept mois sans salaire. Ensuite, j’ai dormi quatre jours dans la rue, à même le sol, lorsque je me suis enfuie », résume Lucy Turay. Cette Sierra-Léonaise a travaillé deux ans au Liban. À son retour, elle a fondé le Réseau de défense des travailleurs domestiques (DoWAN) afin d’alerter sur les abus liés au système de la kafala qui encadre souvent les domestiques étrangères au Moyen-Orient.

Du 8 au 10 octobre, Lucy Turay a participé, aux côtés de responsables de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), de l’Organisation internationale pour les migrations, des gouvernements africains et de la société civile, au deuxième examen régional du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières qui se tenait à Addis-Abeba. L’accent a été mis sur la nécessité de favoriser la libre circulation et le partage de données aux frontières pour le bénéfice de tous : les migrants ainsi que leurs pays d’origine, de transit et de destination.

Inciter les États à s’approprier ce pacte non contraignant

« Ensemble, nous pouvons améliorer la coordination et réduire la fragmentation afin de partager les données et les meilleures pratiques. Chaque pays déterminera, comme toujours, sa propre voie, mais tous travailleront ensemble de manière constructive, tous les pays peuvent bénéficier du dynamisme du marché du travail en Afrique », conclut Amy Pope, la directrice de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), ce jeudi 10 octobre en fin d’après-midi. Plus de 14 % des migrants dans le monde viennent d’Afrique.

Adopté en 2018, le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières sera révisé lors du forum d’examen des migrations internationales qui aura lieu à New York en 2026. Sans être juridiquement contraignant, cet accord doit inciter les États à traduire les principes qui le composent dans leur réglementation. « Aucun pays ne peut régler les problèmes liés à la migration seul », insiste Gideon Rutaremwa, responsable de la division du genre, de la pauvreté et de la politique sociale au sein de la CEA.

En marge du sommet, il souligne la nécessité de partager des informations aux frontières, tout en facilitant la libre circulation des citoyens au casier judiciaire vierge. « Les restrictions de voyage, combinées au coût et au manque d’informations, continuent à jeter les jeunes entre les mains des criminels », explique Gideon Rutaremwa, mettant en garde contre la stigmatisation des migrants dans les médias. Mais aussi contre la détention de femmes et d’hommes dont le seul crime aurait été de traverser une frontière. « Au lieu d’être soutenus et que leurs besoins basiques soient satisfaits afin de faciliter leur voyage, ces migrants se retrouvent en prison », regrette le représentant de la CEA.

Mettre un terme au long processus pour obtenir un visa

Toujours selon Gideon Rutaremwa, la jeunesse du continent africain pourrait permettre à la fois de dynamiser le continent, de faciliter le mouvement des travailleurs en fonction de leurs compétences et l’Europe à la population vieillissante. « Les participants ont insisté sur la nécessité de mettre un terme au long processus pour obtenir un visa », indique Feben Kiflemariam, du Fonds pour l’autonomisation des jeunes de l’Union européenne. La jeune femme prône une représentation accrue des jeunes, qui constituent la majorité des migrants, dans la conception des politiques migratoires.

Peu de place est, en effet, octroyée aux premières victimes des restrictions et des dérives des migrations, tel le trafic d’êtres humains. « Nos dirigeants doivent inclure la voix des migrants lorsqu’ils mettent en place des accords bilatéraux sur les migrations, insiste Lucy Turay, la rescapée du Liban. Nous devons en outre instaurer une prise en charge des migrants traumatisés lorsqu’ils rentrent chez eux. » Pour éviter à ses pairs de subir le même sort qu’elle, Lucy Turay milite également pour l’ouverture de centres dans les pays qui embauchent des domestiques étrangères afin de s’assurer que ces dernières bénéficient a minima d’un jour de repos hebdomadaire.

L’Afrique se prononce pour des migrations régulières et dignes (msn.com)

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