Après le sommet d’aout dernier à l’issue duquel ils avaient sorti le sabre contre les tombeurs du président Mahomed Bazoum, les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont retrouvés, le 10 décembre dernier, à Abuja au Nigéria, à l’effet d’examiner la situation dans la sous-région, notamment les transitions politiques en cours au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et au Niger. Tout porte à croire que fragilisée par ses divisions internes et très sévèrement critiquée par sa propre opinion, la communauté ouest-africaine a finalement abandonné l’option militaire pour ne privilégier que la voie diplomatique en vue d’une sortie de crise au Niger. Mieux, les dirigeants ouest-africains semblent avoir beaucoup mis d’eau dans leur vin en ouvrant la voie à un allégement des sanctions.
Ainsi, ils ont prêté une oreille attentive aux cris du cœur d’ONG qui, pour des raisons humanitaires, les invitaient à reconsidérer leur position afin de permettre aux Nigériens qui souffrent le martyre d’avoir accès à des vivres et à des produits médicaux. Pour autant, les têtes couronnées de la sous-région ne donnent pas un blanc-seing aux putschistes nigériens qu’ils enjoignent de libérer sans délai l’ex-président Mohamed Bazoum retenu captif dans sa résidence avec son épouse et son fils. Préalable qu’elles posent à la levée totale des sanctions ! Abdourahamane Tchiani et ses frères d’armes l’entendront-ils de cette oreille ? Ou vont-ils continuer de raidir la nuque ? S’il est, pour l’instant, difficile de répondre à ces interrogations, force est de reconnaitre que les nouveaux maitres de Niamey, prenant toute la mesure de la situation, tentent de renouer le fil du dialogue qu’ils avaient rompu avec la CEDEAO en vue de desserrer l’étau qui se resserre autour d’eux, aidés en cela par le président togolais Faure Gnassingbé qui joue les facilitateurs. Preuve d’un rapprochement entre Niamey et Lomé, Faure Gnassingbé a reçu, et ce, à la veille du sommet de la CEDEAO, Abdourahamane Tchiani pour une visite d’amitié et de travail. Pourquoi le Togo se montre-t-il plus souple vis-à-vis des putschistes ? Cherche-t-il à jouer les premiers rôles dans la sous-région ; lui dont l‘activisme diplomatique, on se rappelle, avait permis d’obtenir la libération des militaires ivoiriens détenus au Mali ? Ou, au-delà des raisons politiques, il y a des intérêts économiques en jeu ? On a tout lieu de le penser d’autant que depuis l’éclatement de la crise, le Togo donne l’impression de profiter de la situation. A preuve, depuis quelque temps, bien des marchandises, du fait de la fermeture des frontières, transitent par Lomé et non par Cotonou qui, du reste, prône la fermeté vis-à-vis de la junte nigérienne.
Par ailleurs, s’il est vrai que la situation au Niger a été le plat de résistance du dernier sommet d’Abuja, force est de reconnaitre que les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO se sont aussi planchés sur les transitions au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. Tout en encourageant les autorités de ces pays respectifs pour les efforts faits en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel normal, ils les ont invités au respect des engagements pris. Seront-ils entendus quand on sait que les autorités maliennes de la transition ont déjà annoncé qu’elles ne pourront non seulement pas organiser les élections à bonne date mais aussi elles n’en fixent pas une nouvelle échéance. Quand on sait que la CEDEAO ne fait plus peur parce que très affaiblie, on peut se demander, avec juste raison, si l’on ne s’achemine pas à petits pas vers le requiem de la démocratie en Afrique de l’Ouest. En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est que la CEDEAO joue son autorité ; elle qui, pendant longtemps, se comportait comme un syndicat des chefs d’Etat plutôt que d’être au service du peuple.
TRANSITIONS POLITIQUES EN AFRIQUE DE L’OUEST : La CEDEAO joue son autorité (msn.com)