Jean-Louis Billon : voici le nom qui, vendredi 25 octobre, a quelque peu ravivé la course à la présidentielle en Côte d’Ivoire. Si l’annonce de cette candidature contrevient à la dynamique initiée par le PDCI depuis l’élection de l’ancien directeur général du Credit Suisse, Tidjane Thiam à sa tête fin 2023, l’événement n’a pas créé la surprise.
Cet enfant de Dabakala ? le fief familial au nord-est de Bouaké qu’il représente aujourd’hui sous la bannière de député ? est d’abord un homme d’affaires. Héritier du premier groupe agro-industriel privé ivoirien, Jean-Louis Billon a fait ses classes dans les établissements cossus abidjanais avant de poursuivre des études supérieures en France et aux États-Unis. Fort de sa succession à la tête de l’empire familial, il entre en politique par la grande porte en tant que ministre du Commerce en 2012. Alors affilié au Rassemblement des républicains (RDR) porté par Alassane Ouattara, il nourrit déjà une ambition plus grande lorsqu’il décide de quitter le gouvernement avec fracas début 2017.
Esprit de rupture
De l’ambition, Jean-Louis Billon n’en a jamais manqué, car la rupture de 2017 est en premier lieu une histoire de transfuge. Après cinq années de bons et loyaux services, le désormais homme politique rallie presque immédiatement le PDCI pour en devenir porte-parole. Très vite, son regard se tourne vers la fonction suprême, à l’approche des élections de 2020 il affiche même sa volonté de concourir à l’investiture du parti. Cet objectif alors jugé prématuré avait dû être abandonné au profit de la figure tutélaire d’Henri Konan Bédié, ancien président de la République depuis décédé.
Dans ce contexte, pas étonnant que M. Billon ait perçu d’un mauvais ?il la montée en puissance de Tidjane Thiam, revenu en Côte d’Ivoire pour prendre les rênes du PDCI et attendu comme candidat unique du parti historique fondé par le père de l’indépendance Félix Houphouët-Boigny. Depuis l’accession de l’ancien directeur du Credit Suisse à cette fonction, Jean-Louis Billon a progressivement snobé ses engagements auprès des autres cadres en endossant la casquette de simple militant. « Il n’a pas l’appareil du parti avec lui et il le sait », commente Sylvain Debailly, analyste politique ivoirien. Devant la menace d’une candidature inopinée, une tentative de réconciliation avait ainsi été menée en interne à l’initiative d’autres ténors, tel Jacques Éhouo, élu de la commune du Plateau, proche collaborateur de Thiam et ami de Billon.
Une mission qui n’aura pas suffi à l’en dissuader si l’on en croit son discours ambigu du 25 octobre dernier. Lors de son adresse à des militants rassemblés à Dabakala, Jean-Louis Billon s’exprimait en ces termes : « [?] le congrès reste l’instance supérieure du parti. Il faudra ensuite tenir la convention pour choisir celui d’entre nous qui aura le plus de chance de remporter l’élection », avant d’ajouter : « Je déclare solennellement que j’ai décidé d’être candidat à l’élection présidentielle de 2025. Je me présente pour gagner. » Mais c’est bien ce second passage qui a retenu toute l’attention des observateurs politiques.
Se positionner face à l’incertitude
Si l’annonce de M. Billon s’inscrit dans la continuité d’un projet de longue haleine, elle intervient alors que le PDCI n’a toujours pas tenu sa convention pour officialiser la candidature de Tidjane Thiam. Celui dont on ne connaît toujours pas les contours du programme qu’il souhaite porter pour le pays est à l’image des autres forces politiques ivoiriennes ; chacun s’observe avant de lancer l’offensive. À un an des présidentielles, l’incertitude demeure à tous les étages ; dans le camp du RHDP d’Alassane Ouattara, on préfère pour l’heure ne pas lever le voile sur l’éventualité d’un quatrième mandat alors que Charles Blé Goudé ou Laurent Gbagbo à la tête du PPA-CI continuent d’être inéligibles aux yeux de la Commission électorale indépendante (CEI).
Cette même commission fait d’ailleurs l’objet de vifs débats au sein de la société civile. Depuis le 19 octobre, elle a la lourde charge d’actualiser la liste électorale qui souffre de l’absence de 4,5 millions de potentiels électeurs. Pour rappel, le corps électoral actuel affiche un chiffre de 8 millions alors que le pays compte presque quatre fois plus d’habitants dont de nombreux étrangers ne disposant pas de la nationalité ivoirienne. Certains dénoncent des facilités à enregistrer de nouveaux électeurs tandis que d’autres se plaignent de la durée de cette campagne fixée à trois semaines. Sur les réseaux sociaux, des cas avérés d’irrégularités (faute d’actualisations assez fréquentes) côtoient des documents vulgairement tronqués, soit autant de prémices à la bataille de 2025. À l’issue de la première semaine, le président de la CEI, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, notait une dynamique « timide » avec 200 000 personnes enrôlées. Il est clair que le manque de visibilité sur l’échéance à venir n’encourage pas vraiment les foules à se presser devant l’un des 12 089 stands prévus à cet effet.
Ce défi, le PDCI de Tidjane Thiam a décidé d’en faire son cheval de bataille, permettant à ce personnage très attendu sur le terrain d’aller à la rencontre de la population, comme dans l’extrême-ouest du pays où il s’est récemment rendu pour motiver les inscriptions. Quant à Jean-Louis Billon qui fera vraisemblablement cavalier seul en l’absence du soutien de son parti, « il se positionne déjà, car il sait que la route sera longue. Cette élection prépare la nouvelle génération de la politique ivoirienne, ceux qui se présenteront en 2025 prendront d’office un ticket pour 2030 », conclut d’un ton pragmatique l’analyste Sylvain Debailly.
En Côte d’Ivoire, l’homme d’affaires Jean-Louis Billon se lance dans la course à la présidentielle