Il était le visage du mouvement anti-apartheid. Un homme à l’humour ravageur qui s’est battu sans relâche pour défendre les droits des populations noires et dénoncer le régime ségrégationniste et inégalitaire en Afrique du Sud. L’ancien archevêque anglican Desmond Tutu, prix Nobel de la paix en 1984, s’est éteint ce dimanche matin à 90 ans. Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a immédiatement exprimé «au nom de tous les Sud-Africains, sa profonde tristesse», saluant «un homme d’une intelligence extraordinaire, intègre et invincible contre les forces de l’apartheid. Il était aussi tendre et vulnérable dans sa compassion pour ceux qui avaient souffert de l’oppression, de l’injustice et de la violence sous l’apartheid, et pour les opprimés et pour les oppresseurs du monde entier».
Et Cyril Ramaphosa d’évoquer un nouveau «chapitre de deuil dans les adieux de notre nation à une génération de Sud-Africains exceptionnels qui nous ont légué une Afrique du Sud libérée», faisant référence notamment à Nelson Mandela, dont Desmond Tutu partageait les convictions et dont il était devenu le porte-voix lors de son incarcération, de 1964 à 1990.
«Quelle vie !»
La mort de l’archevêque a provoqué une onde de choc au-delà des frontières sud-africaines. Car grâce à sa popularité et son aura, Desmond Tutu avait acquis une notoriété mondiale. Peu après l’annonce de son décès, Emmanuel Macron a rappelé à quel point «the Arch» avait consacré «sa vie aux droits de l’homme et à l’égalité des peuples» : «Son combat pour la fin de l’apartheid et la réconciliation sud-africaine restera dans nos mémoires», a tweeté le Président français. L’ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira, première femme noire à diriger un ministère régalien en France, a rappelé avoir côtoyé l’ancien président la commission Vérité et Réconciliation à de nombreuses reprises : «Résonne son rire, car j’ai connu aussi le son de sa colère et j’ai vu ses larmes de près. Etudiante, j’ai vénéré Desmond Tutu. Députée, j’ai pu lui dire merci pour tant de courage. Ministre, je l’ai salué officiellement. La dernière fois aux adieux à Mandela. Quelle vie !»
Une émotion partagée par l’ex-président américain Barack Obama, qui vient de perdre «un mentor, un ami et une boussole morale pour [lui] et tant d’autres», a-t-il écrit au-dessus d’une photo où on voit les deux hommes se serrer dans les bras. «Esprit universel, l’archevêque Tutu était ancré dans la lutte pour la libération et la justice dans son propre pays, mais aussi préoccupé par l’injustice partout dans le monde.»
Dans un communiqué, le dalaï-lama, qui considérait Tutu comme son «frère aîné spirituel», a salué «un grand homme, qui a vécu une vie pleine de sens», «entièrement dévoué au service de ses frères et sœurs».
Le maire de Londres Sadiq Khan a choisi, comme de nombreux internautes, de partager l’une des célèbres phrases de Desmond Tutu : «L’espoir, c’est de pouvoir voir qu’il y a de la lumière malgré l’obscurité». Le travailliste a également salué «un homme d’une immense bravoure et foi». Le Premier ministre britannique Boris Johnson s’est quant à lui dit «profondément attristé», rappelant le «leadership intellectuel» et la «bonne humeur irrépressible» de l’homme de paix.
Au nom des 27 Etats membres de l’Union européenne, le président du Conseil européen, Charles Michel, a rendu un dernier hommage à «un homme qui a donné sa vie à la liberté avec un engagement profond pour la dignité humaine. Un géant qui s’est dressé contre l’apartheid».
«Coup dur» en Afrique
Sur le continent africain, de nombreuses personnalités ont également regretté la perte d’une icône. Au Kenya, le président Uhuru Kenyatta estime que «le décès de l’archevêque Desmond Tutu est un coup dur non seulement pour la République d’Afrique du Sud […] mais aussi pour tout le continent africain, où il est profondément respecté et célébré en tant qu’artisan de la paix». Le chef d’Etat estime que l’archevêque Tutu «a inspiré une génération de dirigeants africains qui ont adopté ses approches non violentes dans la lutte pour la libération». Le président sénégalais, Macky Sall, a salué son combat historique contre l’apartheid et sa contribution à la réconciliation nationale, tandis que le leader de l’opposition ougandaise, Bobi Wine, estime qu’«un géant est tombé» après avoir mis sa vie «au service de l’humanité».
Sur Twitter, Bernice King, la fille de Martin Luther King, a publié une vieille photo sur laquelle Desmond Tutu est entouré d’enfants : «Nous sommes meilleurs parce qu’il était là.» (Libération)